Les jeunes générations l'on peut-être oublié. Mort noyé, à l'âge de 44 ans, lors d'une baignade en mer en marge d'une série de concerts en Israël, Istvan Kertesz reste une des très grandes baguettes du siècle dernier, c'est ce que cet album de 12 cds consacré à ses années londoniennes, publié par DECCA vient opportunément nous rappeler.

István Kertész est né en 1929 à Budapest au sein d'une famille juive hongroise. C'est dans cette ville où la musique est reine qu'il travaille le piano et la composition avec, entre autres, Kodaly et Leo Weiner. Une grande partie de sa famille est déportée à Auschwitz et ne survivra pas à l'holocauste. Sur l'insistance de sa mère, et malgré les interruptions pendant les raids aériens, les déportations, la famine, l'arrivée des Allemands, puis celle des Russes, il continue ses études musicales tout en vivant caché. Après la guerre, Istvan et sa soeur fréquentent la riche vie musicale de Budapest en allant presque chaque soir au concert ou à l'opéra. C'est de cette époque que date sa vocation pour la direction d'orchestre qu'il commence à étudier avec János Ferencsik et László Somogyi, un chef hongrois bien oublié aujourd'hui qui a formé toute une génération de chefs-d'orchestre à la célèbre l'Académie Franz Liszt. A la suite des événements de 1956, Kertesz quitte son pays et s'installe en Allemagne. Il travaille aussi la direction d'orchestre à Rome avec Fernando Previtali. Sa carrière commence "à l'ancienne" avec des postes de plus en plus importants dans des villes allemandes, Augsbourg, Cologne, avant de se déployer sur un plan international.

En 1965, il devient le chef de l'Orchestre Symphonique de Londres (LSO) tout en étant un des chefs préférés de l'Orchestre Philharmonique de Vienne avec lequel il enregistre des disques majeurs qui ont valeur de référence aujourd'hui encore, comme sa superbe intégrale des Symphonies de Schubert et, surtout, les quatre Symphonies de Brahms, lumineuses et lyriques, malheureusement non disponibles pour l'heure dans leur version numérique.

Kertesz faisait partie, au même titre qu'Abbado, Mehta ou Maazel, des chefs d'orchestre de la jeune génération extrêmement recherchés et courtisés dès la fin des années soixante. Malgré la brièveté de sa carrière il a énormément enregistré et possédait environ 450 oeuvres à son répertoire.

On lui doit des enregistrements qui sont aujourd'hui indispensables, comme la première version complète de La Clemenza di Tito de Mozart en 1968, avec Werner Krenn, Lucia Popp, Teresa Berganza et Brigitte Fassbaender. Sa direction est aussi raffinée que précise avec une grande élégance d'expression et un souci pour la réalisation orchestrale exceptionnelle que Mozart a laissée dans cet ultime opéra. Kertesz avait d'ailleurs planifié les enregistrements des grands opéras de Mozart que sa mort prématurée a empêché.

Son intégrale des Symphonies d'Antonin Dvorak (la première réalisée par un même chef) est elle aussi restée dans les annales, de même que son fabuleux enregistrement du Château de Barbe Bleue de Bartok, avec Christa Ludwig et Walter Berry et l'intégralité du Harry Janos de son maître Zoltan Kodaly qui éclate de joie, d'ironie et de rutilance orchestrale sous sa baguette.

Citons encore un version exceptionnelle du Stabat Mater de Rossini (Lorengar, Minton, Pavarotti, Sotin) et de très beaux Concertos de Mozart avec le pianiste anglais Clifford Curzon. Sa collaboration avec le pianiste américain Julius Katchen (ils étaient tous les deux sous contrat pour DECCA) nous vaut des versions inestimables des Concertos no 3 de Bartok et de Prokofiev et des deux Concertos de Maurice Ravel.

En surfant sur votre QOBUZ vous trouverez de nombreux enregistrements de ce chef de légende dont l'élégance, l'énergie et le style racé étaient aimés de tous.

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