Père fondateur de la soul dont la carrière a duré un demi-siècle, Ray Charles ne saurait se résumer à la poignée de tubes que tout le monde connaît. C’est surtout le maître du crossover musical, la variété haut de gamme qui fait du mélange des genres un art, en approche un pour mieux embrasser l’autre. Ray Charles a sécularisé le gospel, enrichi le blues, joué du jazz, chanté de la country et frôlé le rock’n’roll. Retour sur son style unique fondé sur les cinq qui précèdent.

Jazz

Fin 1957, alors que le rock’n’roll déferle sur l’Amérique et qu’il en est l'un des maîtres à danser, Ray Charles joue au Carnegie Hall, sur la même affiche que Dizzy Gillespie, Chet Baker, Thelonious Monk, Sonny Rollins, Billie Holiday et John Coltrane. En 1960, il tournera avec Art Blakey, Horace Silver et Dinah Washington. Et dix ans plus tard, il accompagnera au piano sur la scène du Madison Square Garden deux monuments historiques du jazz, Louis Armstrong et Duke Ellington. Assurément, Ray Charles n’est pas qu’un chanteur populaire dont on fredonne les tubes en tapant du pied. Il est d’abord un jazzman, un pianiste formé dès l’enfance au solfège, au classique puis au jazz. Et il joue aussi du saxophone. Ray Charles vient d’une ère (les années 30 et 40) où le jazz était la plus populaire des musiques, celle qui savait s’inviter chez les autres et se trouvait bien partout, à la radio, au cinéma, dans les bars à cocktails ou les grandes salles. Savoir jouer du jazz, c’était pouvoir tout jouer. La formule peut résumer Ray Charles, qui est toujours revenu au jazz, ou ne l’a jamais vraiment quitté. Dès 1956, après avoir fait ses preuves comme chanteur de rhythm’n’blues, il enregistre pour Atlantic deux albums instrumentaux de jazz cool et be-bop, dont Soul Brothers avec le vibraphoniste Milt Jackson. Même si sa musique est ancrée dans la tradition des big bands et de la chanson jazz, Ray Charles est à la pointe de la modernité : au début des années 60, c’est derrière un orgue électrique, avec les musiciens de l’orchestre de Count Basie et son ami Quincy Jones aux arrangements, qu’il enregistre l’explosif Genius + Soul = Jazz. Cet album haut de gamme est la deuxième production d’un label qui deviendra mythique pour l’histoire du free-jazz : Impulse! En cette faste période, Ray Charles atteint aussi des sommets dans son costume de crooner jazz, notamment sur tout un album de duos terriblement langoureux avec la chanteuse Betty Carter.

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