Certains artistes sont enclins à travailler autour d’un style unique qu’ils cherchent à développer et peaufiner au fil du temps, tandis que d’autres ne créent qu’en se renouvelant indéfiniment. Alain Bashung appartient à la seconde catégorie. Retour sur les différents visages de l’interprète de « Ma Petite Entreprise » et de « Gaby oh Gaby ».

Alain Bashung n’aimait pas rester à la même place. Depuis ses débuts en 1966, les changements réguliers de direction artistique et de style constituaient les fondements de sa carrière, et cette dynamique lui permettait d’atteindre à chaque fois un palier supplémentaire dans sa quête de beauté musicale. Les mues de Bashung sont en quelque sorte préfigurées par le contexte de son enfance puisque, dans les années 1950, le petit Alain est quotidiennement ballotté entre deux cultures et deux langues : il parle français le jour à l’école, et l’allemand le soir à la maison. Alors qu’il est âgé d’un an, ses parents – ouvriers aux revenus modestes – décident de l’envoyer chez ses grands-parents paternels, qui vivent dans un petit village alsacien. Rappelons à ce propos qu’il n’a jamais connu son père biologique, et qu’il s’agit donc de ses grands-parents adoptifs. À l’âge de 5 ans, il s’initie à la musique en jouant de l’harmonica, mais aussi en écoutant les morceaux de Kurt Weill qui passaient sur les ondes des radios allemandes. En 1959, il retourne vivre chez ses parents dans la banlieue parisienne et commence à apprendre la guitare et à se passionner pour le rock’n’roll. En 1962, il monte son premier groupe (les Dunces), et à sa majorité en 1965, il quitte sa famille et commence à se rapprocher des artistes de la maison de disques RCA, où il est embauché comme arrangeur.

Très vite, en parallèle à ce travail à la chaîne parfois ingrat, il sort quelques 45 tours comme interprète, où il passe de l’ironie narquoise (Pourquoi rêvez-vous des Etats-Unis ? en 1966) au romantisme le plus douceâtre (Les Romantiques en 1968). En 1971, il change à nouveau de style : barbu et chevelu, il s’attaque à une adaptation d’une chanson de Cat Stevens en français (Change IV). Mais tous ces disques sont loin de rencontrer le succès escompté. Dans le métier, alors que cette série d’échecs s’allonge, sa réputation devient celle, au pire, d’un « loser brillant », au mieux d’un marathonien qui arrivera à ses fins à force de travail. Il commence à gagner cette guerre d’usure au milieu des années 1970, le jour il rencontre celui qui deviendra son alter ego, le parolier Boris Bergman. Celui-ci participera activement au premier album de Bashung, qui sort en 1977, et qui se caractérise par un mélange peu assuré de pop-rock, folk et country. Valérie Lagrange y chante en duo avec lui dans le morceau Roman photos (qui est aussi le titre de l’album), et Daniel Balavoine figure parmi les choristes. Du côté des paroles, on croise donc Bergman (L’amour, c’est pas confortable, Blablas, C’est la faute à Dylan), mais aussi Daniel Tardieu, prof de français de son état. C’est d’abord à ce dernier que Bashung présente la musique de ce qui deviendra Gaby oh Gaby. Tardieu lui écrit un texte d’inspiration surréaliste qui raconte les déboires sentimentaux d’un chauffeur de bus. Mais c’est finalement Bergman qui signera les paroles définitives quelques années plus tard.

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