Cinq années à peine et quatre albums suffiront aux Smiths pour laisser une trace indélébile dans l’histoire du rock britannique. Le tandem Morrissey / Johnny Marr fut un îlot salvateur au cœur des synthétiques années 80. L’un de ces groupes qui ne pouvait venir QUE de l’autre côté du Channel…

Leur carrière fut éphémère mais leur influence n’a toujours pas fini de se faire sentir… Au beau milieu des années 80, alors que la new wave comme la pop en provenance du Royaume-Uni sont obsédées par les synthés, quatre jeunes Mancuniens ressortent la classique formule chant, guitares, basse, batterie pour façonner une pop assez intemporelle, adossée à des mélodies simples mais fabuleuses. Avec les Smiths, la musique renoue avec un héritage plus sixties et seventies que punk et new wave. Portée par la voix de crooner éthéré de Morrissey et ses textes joliment acides mais aussi par la guitare cristalline en arpèges de Johnny Marr, l’œuvre des Smiths irradie son temps mais prend surtout à contrepied les modes ambiantes. Comme les Kinks vingt ans plus tôt et les Jam à la fin des années 70, ce groupe est un ovni 100% britannique. Un bel instantané de la société anglaise critiquée avec virulence et, chose plus rare, subtilité. En 2002, les lecteurs du NME, encore hypnotisés par leur œuvre, sacrèrent les Smiths « groupe le plus influent de tous les temps » ! Devant les Beatles !

© Rough Trade

Comme souvent dans l’histoire du rock, ce groupe est avant tout l’association de deux fortes personnalités diamétralement opposées. Opposées mais fascinées par les mêmes marottes et notamment des New York Dolls… Tracas adolescents, spleen du jeune adulte, peintures sociales, caricatures exquises et engagement au vitriol, Morrissey a toujours livré des textes parfaits. Réalisés avec Andy Rourke à la basse et Mick Joyce à la batterie, les quatre albums studio du groupe, The Smiths (1984), Meat Is Murder (1985), The Queen Is Dead (1986) et Strangeways, Here We Come (1987), regorgent de ces saynètes alternant entre réalisme pur et allégories plus poétique. La jeunesse britannique tombe amoureuse de ces quatre garçons qui lui ressemblent : de son nom – les Smiths comme les Dupont – à son non-look, en passant par toutes les thématiques abordées, l’identification est totale ! Une simplicité également présente dans la musique proposée. Armée de sa Rickenbacker au son bien sixties – comme son idole Roger McGuinn des Byrds – et artisan de mélodies d’une grande pureté, Johnny Marr a quant à lui toujours trouvé l’écrin parfait pour les mots de Morrissey.

Cette simplicité façon monsieur tout le monde dans laquelle les fans peuvent se reconnaître, se double d'une autre forme d'anonymat, évidemment calculée et travaillée : les pochettes de leurs disques (singles compris) où les Smiths n'apparaissent jamais ! Chacune peut alors servir de vitrine aux marottes de Morrissey. Le défilé des icônes peut commencer : Joe Dallesandro dans Flesh d'Andy Warhol pour le premier album éponyme, Alain Delon dans L’Insoumis d’Alain Cavalier pour The Queen Is Dead, Elvis photographié par son coiffeur en 1955 pour Shoplifters Of The World, Jean Marais dans Orphée de Cocteau pour This Charming Man, Terence Stamp dans L’Obsédé de William Wyler pour What Difference Does It Make ?, Pat Phoenix de Coronation Street pour Shakespeare's Sister, l’écrivain Truman Capote pour The Boy With The Thorn In His Side, James Dean pour Bigmouth Strikes Again ou bien encore Alexandra Bastedo pour le live Rank. Une superbe iconographie que l'histoire a rendu indissociable de l'identité smithienne...

The Smiths - This Charming Man (Official Music Video)

The Smiths

Sans surprise, la guerre des égos mettra fin à la belle aventure. Les Smiths ont déjà déposé le bilan quand leur ultime enregistrement, Strangeway Here We Come, s’installe dans les bacs des disquaires le 28 septembre 1987. Et à peine six mois plus tard, Morrissey inaugure même sa carrière solo avec Viva Hate

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