Jordi Savall est l'invité d'honneur de France Musique ce jeudi 7 février 2013. Renaud Machart, coordinateur de cette journée spéciale, répond à nos questions.

Jordi Savall, artiste protéiforme par excellence, sera à l'honneur jeudi 7 février sur France Musique. Parce qu'il est à la fois musicien, chef d'orchestre, formidable arrangeur, fondateur d'Alia Vox, pédagogue..., le champ des possibles est immense pour aborder cet amoureux des musiques du monde. Renaud Machart répond à nos questions.

(Qobuz) Quelle a été votre approche pour articuler cette journée ?

— (Renaud Machart) J’ai d’abord demandé à Jordi Savall ce qu’il souhaitait faire et quand il pouvait être présent en direct (car son calendrier est particulièrement chargé). J’ai été heureusement surpris par sa proposition de confronter la musique ancienne à la musique d’aujourd’hui, qui sera le thème abordé lors de l’émission d’Anne Charlotte Rémond, que je coprésenterai avec elle et que nous enregistrerons en public le 5 février à 20H30 au Studio 106. Il a souhaité entendre des pièces pour piano de compositeurs espagnols contemporains écrites spécialement pour ses 70 ans interprétées par Diego Fernandez Magdaleno. Je lui ai proposé une rencontre avec le compositeur Philippe Hersant, qui a beaucoup écrit pour la viole de gambe. Il en a été ravi. Il était par ailleurs indispensable de montrer toutes les facettes du travail du Catalan et il n’y avait presque pas assez d’émissions sur la chaîne pour ce faire… Je suis particulièrement ravi que, pendant 24 heures, littéralement, presque toutes les émissions de la chaîne feront entendre ces multiples facettes, depuis le magazine de Christophe Bouteiller à 7 heures, jusqu’au lendemain à la même heure puisque « France Musique la nuit » diffusera trois concerts conservés en archives par l’INA.

Lors de cette journée, France Musique reçoit aussi des compagnons de route de Jordi Savall... Une façon de parler de l'interprète, de ses ensembles, de ses évolutions ?

— Lors de l’émission que nous enregistrons le 5 février, Christophe Coin, son élève le plus éminent, sera présent ainsi que Philippe Beaussant, qui a connu — et fait énormément, en tant que patron d’institutions — pour la musique ancienne en France. J’aurais adoré que Jacques Merlet, le « Monsieur musique ancienne » historique de France Musique soit avec nous, mais son état de santé ne le permet pas malheureusement. Je suis certain qu’il écoutera la journée avec intérêt et plaisir. J’ai suggéré à Marcel Quillévéré de recevoir René Zosso dans son émission « Les traverses du temps ». René Zosso est un vieux briscard de la musique ancienne et d’une génération qui a connu l’avant-Jordi Savall, et plus généralement cette époque où les interprètes «latins» — italiens et espagnols, sans parler des sud-Américains — étaient absents de la scène «baroqueuse», colonisée pour l’essentiel par des musiciens du nord. D’autres proches de Jordi Savall seront présents dans différentes émissions de la journée, chez Christophe Bourseiller, dans le Magazine de Lionel Esparza, etc.

Il y a peu, Jordi Savall confiait à notre Magazine Qobuz sa passion pour l'enregistrement, telle « une drogue »...

— Je me disais bien que, pour faire autant, Jordi carburait à quelque chose… Plus sérieusement : cette dimension est d’autant plus intéressante que le Catalan, qui adore l’improvisation et cultive une apparente indolence, aime tout autant fixer les choses avec soin. L’effet de cette drogue est peut-être ce vertige singulier que procure le disque : capter l’indicible et l’imprévisible, préserver le naturel dans l’artifice du studio… Je suis certain qu’il en parlera volontiers avec Emilie Munera qui nous dévoilera aussi les goûts discographiques de Jordi lors de son programme « Changez de disque ».

À 20 heures, la transmission en direct du concert de l'ensemble Hespèrion XXI (avec Jordi Savall) sera le point d'orgue d'une journée riche en évènements...

— Il paraissait être la moindre des choses que de transmettre un concert de Jordi en direct. L’occasion nous en a été fournie par ce programme à Poissy, qui risque d’être haut en couleurs (on y dansera même !) et dont la thématique aura été abordée, lors de mon émission « Le Matin des musiciens », à 11 heures, par Jordi Savall lui-même, le théorbiste Xavier Diaz-Latorre et le harpiste Andrew Lawrence-King, présents en direct.

À titre personnel, comment s'est préparée cette journée avec Jordi Savall ?

— Jordi et moi nous connaissons depuis 30 ans et j’ai beaucoup de respect et d’affection pour celui que je considère comme un Carlos Kleiber de la musique ancienne et comme l’interprète le plus raffiné du répertoire baroque français, en tant que violiste ou que chef d’orchestre. Nous nous sommes téléphoné, avons échangé des emails mais avons laissé de la marge à l’imprévu, à la surprise. Jordi est très latin, il sait ce qu’il veut et le met magnifiquement en pratique dans son travail, mais il faut lui faire confiance dans son génie de l’instant.

Comment ne pas évoquer Montserrat …

— Il allait de soi que Montserrat Figueras, son épouse disparue en 2011, devait être présente au cours de cette journée. Denisa Kerschova, dans « Venez quand vous voulez », à 9H12, fera entendre cette inoubliable voix de la mélancolie. Ce qui est bien, et que montrent ces journées spéciales que notre chaîne aime désormais régulièrement organiser (nous avons également ce même mois une semaine Reynaldo Hahn et une autre journée Bertrand Tavernier), c’est que l’ensemble des équipes de France Musique sait se mobiliser et s’adapter avec souplesse. À l’ «ordinaire» de la messe, nous ajoutons la plus-value d’un «propre» que seule cette chaîne de service public est en mesure d’apporter.

PROGRAMME COMPLET DE LA JOURNÉE JORDI SAVALL

Note sensible : Jordi Savall , un portrait par... par francemusique