Ethiopiques vol 1 (L'Age d'or de la musique éthiopienne moderne 1969 - 1975)

Chronique

En 1998, sous l’impulsion du musicologue et producteur français Francis Falceto, sortait sur le Label Buda Musique le premier volume d’une collection qui devait connaître un succès grandissant. La série Ethiopiques affichait l’ambition de faire découvrir au public occidental les joyaux de la musique éthiopienne moderne, dont l’âge d’or baptisé Swinging Addis est situé sur une courte période qui démarre en 1969, à la fin du règne du négus Haïlé Sélassié et s’achève peu après la prise du pouvoir en 1974 par une junte militaire d’inspiration communiste. Dans l’intervalle, un jeune entrepreneur éthiopien, Amha Eshètè, prit le risque de monter un label indépendant, Amha Records, alors que la production culturelle était jusqu’à présent l’exclusivité de quelques officines étatiques. Tel un Berry Gordy des hauts plateaux, Amha Eshètè s’est appuyé sur un orchestre maison, qui, comme pour la Motown, a donné la signature sonore de ses productions connues sous le sobriquet ethio-jazz. Les cuivres, introduits dans le pays pour les besoins des orchestres militaires ou de la police, y tiennent un rôle de choix, mais les musiciens pivots de ce groupe sont le pianiste Girma Béyéné ou le joueur de vibraphone Mulatu Astatke.

Le premier enregistrement d’Amha Records est un album instrumental, dont trois titres rythment ce volume. Le succès de cette musique tient en une modernisation de la richesse musicale locale, qui n’abandonna jamais son caractère particulier et pentatonique et mit en scène de fabuleux chanteurs. Mahmoud Ahmed, connu en Europe grâce à la réédition en 1987 de son chef-d’œuvre Erè Mèla Mèla par les Belges de Crammed Records, figure ici en bonne place avec trois morceaux de choix. On y découvre aussi la voix presque féminine de Muluqèn Mélèssè, deux des six titres enregistrés par la comète Sèyfu Yohannès, mort à 26 ans et souvent comparé à James Brown, les quatre chansons jamais gravées par Tèshomè Meteku, épaulé par Mulatu Astatke, et une version apocryphe par Gétatchèw Kassa de Tezeta, la chanson emblématique de la musique éthiopienne qui est aussi le nom donné à l’un de quatre modes qui la régissent. A l’époque, cette version a véritablement cassé la baraque puisqu’il s’en est vendu 5 000 copies, soit le double des plus grands succès territoriaux. Dans le livret de cette formidable compilation inaugurale, Francis Falceto annonçait une série de dix CD, mais l’engouement pour cette musique fut tel qu’aujourd’hui, la collection compte 30 volumes, tous d’excellente facture. © Benjamin MiNiMuM/ Qobuz