L’un des plus grands violoncellistes du XXe siècle s’est éteint à l’âge de 88 ans.

Janos Starker est décédé le 28 avril 2013. Considéré comme l’un des plus grands violoncellistes du XXe siècle, le musicien hongrois, naturalisé américain en 1954, était âgé de 88 ans. Austère pour ne pas dire glacial (« Je suis celui dont la flamme intérieure gèle l'air autour de lui »), ce violoncelliste d’exception, enfant prodige, consacrera également sa vie à la transmission et à l’enseignement pour « faire perdurer une tradition musicale ancestrale ».

Né le 5 juillet 1924 à Budapest d’un père juif d’origine polonaise et d’une mère juive d’origine ukrainienne, Janos Starker prend ses premières leçons de violoncelle à seulement 5 ans, ses deux frères ainés ayant opté pour le violon. Un an plus tard, le jeune prodige donne déjà son premier concert ! Il intègre alors la prestigieuse Académie Franz Liszt de sa ville natale et étudie aux côtés d’Adolf Schiffer. Ses capacités sont telles qu’il donne lui-même des leçons. Et à 12 ans, le jeune Starker a déjà cinq élèves !

Les personnalités que Starker croise alors à cette époque ont une influence majeure sur lui : il étudie la composition avec Zoltán Kodály, côtoie Béla Bartók ainsi qu’Ernö Dohnányi, aborde la musique de chambre avec Leó Weiner, Imre Waldbauer, co-fondateur du Quatuor Waldbauer-Kerpely, et Dezsö Rados, deux violonistes scientifiques, à savoir aussi férus de neurologie, d'anatomie et de biologie que de musique.

A 14 ans, Janos Starker fait ses débuts professionnels dans le concerto de Dvorák. En 1939, il quitte l’Académie Franz Liszt, passant la guerre à Budapest. Ses deux frères meurent en déportation. Lui passera plusieurs mois en camp d’internement.

Après la guerre, Starker devient le premier violoncelliste de l’Opéra de Budapest et de l’Orchestre Philharmonique. A l’arrivée des Soviétique en 1946, il quitte le pays et part pour Vienne donner un concert. Il s’y installe pour préparer le prestigieux concours de violoncelle de Genève qu’il perdra face à son élève Eva Janzer.

A la même époque, Starker s’interroge grandement sur son art et les inconvénients d’avoir été enfant prodige. « Je joue comme un aveugle, déclare-t-il alors. Qu’arrive-t-il à l’oiseau qui vole et qui ne sait pas comment il vole ? C’est ce qui arrive aux enfants prodiges ! » Après une année d’étude et d’analyse intense de tous les aspects de sa technique, il reprend confiance en lui. Le fruit de cette réflexion deviendra sa célèbre méthode de violoncelle, An Organized Method of String Playing.

De Genève, il arrive à Paris où il gravera son légendaire premier disque consacré à la Sonate pour violoncelle de Kodály, œuvre d’une grande complexité technique. L’album décroche le Grand Prix du Disque et sa réputation sur le plan internationale prend alors une nouvelle ampleur.

En 1948, Starker émigre aux États-Unis, devenant le violoncelliste du Dallas Symphony Orchestra alors dirigé par le grand Antal Doráti. L’année suivant, il déménage pour New York et devient le violoncelliste du Metropolitan Opera alors sous la direction de Fritz Reiner (« Le chef le plus génial que j'ai entendu ! »). C’est dans la Grosse Pomme, qu’il signe une grande version des Suites de Bach. En 1952, il suit Reiner au Chicago Symphony Orchestra. Six ans plus tard, il part s’installer à la Jacobs School of Music de l’Indiana University. Il met alors sa carrière orchestrale de côté, ne se consacrant qu’au solo et à l’enseignement.

Depuis 2001, le violoncelliste avait limité son activité à l’enseignement, aux master-classes et à quelques concerts avec son fidèle partenaire, le pianiste Shigeo Neriki, et son beau-fils, sa fille et sa petite-fille, les violonistes William, Gwen et Alexandra Preucil.

Au disque, Janos Starker laisse de nombreux enregistrements majeurs. Composé de plus de 160 pièces, sa discographie propose quasiment tous les incontournables de la littérature pour violoncelle. Il laisse cinq versions des Suites de Bach. Des musiciens, parmi lesquels David Baker, Antal Doráti, Bernhard Heiden, Jean Martinon ou bien encore Miklos Rozsa, lui ont par ailleurs écrit de nombreuses pièces.

De 1950 à 1965, Starker jouait sur un Lord Aylesford, le plus imposant des instruments signé Antonio Stradivarius. En 1965, il s’offre un violoncelle signé Matteo Goffriller estimé avoir été fabriqué à Venise en 1705. En 2004, il avait publié son autobiographie The World of Music According to Starker chez Indiana University Press.

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