La diction de Gérard Souzay marqua de nombreux chanteurs. Et ne laissait guère de marbre…

« J’aurais aimé apprendre à chanter aussi bien le français que Gérard Souzay chantait l’allemand ». Ce compliment émanait de la bouche d’un certain Dietrich Fischer-Dieskau… La diction du grand baryton angevin, disparu il y a huit ans, le 17 août 2004, était unique. Unique avant tout dans le répertoire des mélodies évidemment. Chez Debussy, Ravel, Duparc… Dans le lied allemand, Souzay était immédiatement reconnaissable. Certains finalement reprocheront à cette voix d’être trop belle. Trop facile ? Cette éloquence intime doit être redécouverte. Même si Souzay avait ses détracteurs. Des détracteurs parmi lesquels un certain… Roland Barthes ! Dans ses Mythologies, le célèbre sémiologue s’en prend violemment au style du chanteur. « ...ayant, par exemple, à chanter une « tristesse affreuse », il ne se contente ni du simple contenu sémantique de ces mots, ni de la ligne musicale qui les soutient : il lui faut encore dramatiser la phonétique de l'affreux, suspendre puis faire exploser la double fricative, déchaîner le malheur dans l'épaisseur même des lettres; nul ne peut ignorer qu'il s'agit là d'affres particulièrement terribles. Malheureusement, ce pléonasme d'intentions étouffe et le mot et la musique, et principalement leur jonction, qui est l'objet même de l'art vocal. » Barthes poursuit : « Il faut d'ailleurs rappeler ici que l'esprit mélodramatique, dont relève l'interprétation de Gérard Souzay, est précisément l'une des acquisitions historiques de la bourgeoisie : on retrouve cette même surcharge d'intentions dans l'art de nos acteurs traditionnels, qui sont, on le sait, des acteurs formés par la bourgeoisie et pour elle. » Quelques années plus tard Roland Barthes fit des critiques semblables à l'encontre de Fischer-Dieskau… Souzay interprète ici Don Quichotte à Dulcinée de Ravel :

Gerard Souzay-Ravel: Don Quichotte a Dulcinee

I Sheng Huang 黃譯陞