Anne Sofie von Otter s’aventure avec ses musiciens sur le périlleux terrain de la chanson française, et atteint avec grâce le cœur des spectateurs du Verbier Festival.

« Douce France »… sous cet intitulé, Anne Sofie von Otter a offert une magnifique soirée en hommage au répertoire français, avec en première partie des œuvres de Fauré, Poulenc et Saint-Saens ; en seconde partie un programme fait de chansons de variété française. Rendez-vous était donné dans l’église moderne de Verbier, transformée durant le festival en salle de concert pour les Grands de la musique classique. Tout de rose vêtue, la mezzo-soprano entre en scène aux côtés du pianiste Bengt Forsberg, partenaire de longue date. Concentrée et recueillie, elle nous conte l’amour, la mélancolie, les plaisirs, portée par une authentique tension et accompagnée à merveille jusque dans ses moindres nuances par le piano. Les Banalités de Francis Poulenc, d’après des poèmes d’Apollinaire, est particulièrement saisissant. Le texte lyrique siège au premier plan, Anne Sofie von Otter l’a parfaitement compris et porte une attention particulière aux mots dans son chant.

Après l’entre-acte, on ne peut s’empêcher d’aborder la seconde partie avec un léger scepticisme au vu de la liste des chansons (de Leo Ferré, Charles Trenet, Georges Moustaki ou Barbara) qui s’apprêtent à être interprétées par quatre Suédois et un Norvégien. Anne Sofie a troqué sa robe contre une veste argentée, elle nous présente ses musiciens Bengt Forsberg toujours au piano, Stian Carstensen à l’accordéon, Gustav Lundgren à la guitare et Leigh Mesh à la contrebasse. Ils ouvrent alors le bal sur Les feuilles mortes de Jacques Prévert. Le ton est juste, et le quintet nous fait remonter au 20ème siècle, dans une délicieuse atmosphère empreinte de nostalgie et de poésie. L’accordéon joue un rôle majeur, non seulement parce son timbre nous parle naturellement du vieux Paris, mais aussi car l’accordéoniste norvégien Stian Carstensen est un prodige. Les autres musiciens ne sont pas en reste, et auront tout loisir de montrer leur virtuosité, notamment avec, çà et là, des duos de musique tzigane ou de polkas. Le sommet de l’émotion est atteint avec le Göttingen de Barbara : « Et tant pis pour ceux qui s´étonnent, et que les autres me pardonnent, mais les enfants ce sont les mêmes, à Paris ou à Göttingen… »

Le public est conquis et ne voudrait jamais voir s’arrêter l’enchainement de ses chansons, hors du temps. Plusieurs rappels seront donnés, après des applaudissements émus et admiratifs… Qui aurait cru qu’une formation scandinave pouvait à ce point faire honneur au répertoire français !

Le programme de cette soirée exceptionnelle est à retrouver sur l’album « Douce France », paru chez Naïve.