A l’occasion de la sortie d’Alvorada, Ophélie Gaillard nous fait une petite place dans son casque pour un voyage à la fois exotique et lyrique, à l’image de son double album. La violoncelliste commente cette playlist exclusive.

A l’occasion de la sortie d’Alvorada, Ophélie Gaillard nous fait une petite place dans son casque pour un voyage à la fois exotique et lyrique, à l’image de son album. Si la photo de la violoncelliste Ophélie Gaillard occupe toute la couverture de son nouvel album, double, le contenu est autrement distribué parmi des dizaines d’artistes, dont beaucoup issus de la musique populaire brésilienne, le tango argentin ou le folklore ibérique. En guise de caution « classique », Alvorada débute avec Manuel de Falla, deux des sept chansons populaires espagnoles, transcrites pour violoncelle et guitare, puis un peu de Granados pour la même formation à laquelle viennent s’ajouter les castagnettes. Puis c’est le grand voyage, dans lequel le violoncelle prend souvent un rôle secondaire ou, du moins, collégial, lorsqu’il se mêle à tel chanteur, tel trompettiste, tel bandonéoniste (le superbe Juanjo Mosalini). Puis, retour au classique, Ophélie Gaillard achève avec quelques Villa Lobos (légèrement teintés de quelques discrets ajouts de style populaire) puis par la Suite pour violoncelle seul de Cassadó, retour à la pureté du solo. Beau voyage, d’une immense tendresse et d’une grande humilité d'une Ophélie Gaillard qui n’a pas cherché à occuper une quelconque première place.

Ophélie Gaillard - © Caroline Doutre

Les choix de la playlist concoctée par Ophélie Gaillard se concentrent principalement sur l’Espagne et l’Amérique du sud ; elle reste ainsi fidèle à son esthétique du moment, entre rythmes hispaniques et mélodies classiques aux modes espagnols.

De le Maja Dolorosa de Granados inteprété par la « magnifique interprète » Brava Berganza pour la « densité de la déclamation » à Gracias a la Vida de Violeta Parra par Mercedes Sosa, « cette grande voix qui [la] fascine depuis [son] enfance, surtout lorsqu'elle chante Violeta Parra, cette immense chilienne » en passant par un bel hommage à Gaspar Cassadó, « cet immense violoncelliste et excellent transcripteur, même si son positionnement éthique fut discutable au moment de la guerre d’Espagne, surtout en regard de son maître Pau Casals », la sélection d’Ophélie révèle un univers bien particulier, celui de la culture ibérique, avec ses interprètes grandioses et ses enregistrements historiques. On y trouve notamment un des titres de tango qui a « définitivement inoculé le virus » à la violoncelliste, à savoir Esta Noche De Luna d’Osvaldo Pugliese, mais aussi une « source d’inspiration indispensable pour jouer la sonate de Cassadó et ses techniques de jeu dérivées de la guitare flamenca », le titre El Chorruelo du grand Paco de Lucía, ou encore « le charme désuet du meilleur orchestre de chachacha de tous les temps », celui de Tito Puente avec Noche de Ronda. Ou alors, dans un tout autre style et une toute autre époque, Ixtapa de Rodrigo y GabrielaÇa vous donne une patate d’enfer ! »), Barco a la deriva de Marc Anthony (qui « donnerait envie de danser la salsa à un ours des carpates », il faut écouter pour y croire). La violoncelliste ne passe pas non plus à côté des classiques de Boccherini (Fandango), ni de Piazzolla (Balada para mi muerte par Sandra Rumolino).

On redécouvrira enfin la source du titre de l’album de la Française, Alvorada, qui signifie aube en brésilien, et provient de l’Alborada del Gracioso du compositeur français Ravel, ici interprété par l’Orchestre de la Suisse Romande et dirigé par Ernest Ansermet. « Notre titre d’album, Alvorada, évoque forcément pour les mélomanes ce magnifique hommage de Ravel à l’Espagne ».

Bref, une sélection fort bien confectionnée ; du grand lyrisme frissonneux aux danses populaires, Ophélie Gaillard nous livre ici des petites pépites à consommer sans modération. Un si beau voyage dans le temps et l’espace en tête à tête avec une si grande violoncelliste, ça ne se refuse pas.