Acteur majeur de la scène baroque depuis plus de quatre décennies, le grand chef d’orchestre, claveciniste et musicologue anglais, fondateur de l’Academy of Ancient Music, s’est éteint à l’âge de 73 ans.

Christopher Hogwood est décédé le 24 septembre à son domicile de Cambridge. Après Gustav Leonhardt en 2012 et Frans Brüggen cet été, un autre géant de la scène baroque, un véritable pionnier s’éclipse aujourd’hui à 73 ans. Fondateur avec David Munrow de l’Early Music Consort en 1967 puis, six ans plus tard, de la mythique Academy of Ancient Music, ensemble pionnier dans la redécouverte de la musique baroque, Hogwood fut certes un défricheur mais surtout un grand musicien, un chef exigent et dont les goûts ne se limitaient guère aux partitions baroques, allant jusqu’à jouer Mendelssohn, Martinů, Hindemith et Stravinsky dont il avait dirigé The Rake’s Progress au Teatro Real de Madrid en 2009 !

« Je suis l’homme d’Haendel et de Haydn, avait-il confié dans une interview accordée au mensuel Gramophone en 2002 . Mais ça n’est pourtant pas là que tout a commencé. Je viens de la musique médiévale d’abord, avec David Munrow. C’était complètement spéculatif, comme un cirque inspiré, réunir des œuvres colorées pour amuser, quelque chose de très efficace en concert. Il y avait pourtant des choses assez gênantes là-dedans. Comme cette impression de faire croire au monde que l’essentiel de la musique médiévale était avant tout instrumentale et séculière alors que 98% de cette musique était religieuse. C’était de la musique vocale sacrée. L’autre souci c’était qu’il n’y avait quasiment aucune trace, aucun document, sur ce qui se passait réellement et sur comment tout cela sonnait. » On connait la suite. Une des plus belles aventures que connaîtront la musique ancienne, les instruments d’époque mais surtout la musique tout court.

La saga de l’Academy of Ancient Music se déroulera sur plusieurs décennies durant lesquelles Hogwood dirigera aux quatre coins du monde, enregistrant plus de 200 disques dont la fameuse première intégrale des symphonies de Mozart sur instruments d’époque mais aussi de très nombreux autres chefs d’œuvre eux aussi gravés dans la cire pour la première fois sur instruments anciens. Dans cette foisonnante discographie brille toujours et encore son Messie d’Haendel enregistré en 1980, avec notamment Emma Kirkby et James Bowman.

Né le 10 septembre 1941 à Nottingham, Christopher Hogwood étudie la musique et la littérature au Pembroke College de Cambridge. Ses professeurs ont alors pour nom Raymond Leppard, Mary Potts et Thurston Dart, puis plus tard Rafael Puyana et Gustav Leonhardt. Il s’envole ensuite pour Prague pour étudier avec Zuzana Ruzickova. En 1967, il fonde donc l’Early Music Consort avec David Munrow (qui se suicidera en 1976), et en 1973 l’Academy of Ancient Music, se spécialisant dans la musique baroque, la musique ancienne et l’interprétation sur instruments d’époque.

En 1983, il avait dirigé son premier opéra, Don Giovanni, à St. Louis, dans le Missouri. Par la suite, il tiendra la baguette sur les plus grandes scènes lyriques, du Berlin Staatsoper à la Scala de Milan, en passant par l’Opéra Royal de Stockholm, la Royal Opera House de Covent Garden à Londres, les Chorégies d'Orange et l’Opéra de Houston. Christopher Hogwood a également enregistré de nombreux albums solo au clavecin d’œuvres signées Louis Couperin, Jean-Sébastien Bach, Thomas Arne, William Byrd et bien d’autres.

Hogwood fut aussi soliste au sein de l’Academy of St Martin in the Fields, directeur artistique du King’s Lynn Festival mais aussi de la Handel & Haydn Society de Boston, maître de conférence à Harvard, chef principal du Kammerorchester de Bâle et professeur à Cambridge et à l’université de Cornell. Il a été directeur artistique du Mostly Mozart Festival au Barbican Centre de Londres (1983-1985) et directeur musical du Saint Paul Chamber Orchestra dans le Minnesota (1988-1992).

Les oreilles de Christopher Hogwood ne se tendaient pas exclusivement vers le répertoire baroque et sa passion pour la musique du XIXe et même du XXe était réelle et sincère. Il chérissait particulièrement les premiers romantiques et l’école néo-classique.

« Avec David Munrow, Christopher Hogwood était un de mes contemporains à Cambridge, a déclaré John Eliot Gardiner en apprenant cette disparition. Quel formidable duo ! Hogwood était alors un vrai personnage avec sa barbe et ses sandales assis derrière son clavecin ! C’était un grand défenseur tenace de la musique ancienne. Il va beaucoup manquer à la musique baroque et à la musique classique… »

Haendel Messiah Christopher Hogwood Academy of Ancient Music

Soprano Haendel