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Vincent d'Indy

Si les mélomanes avertis connaissent évidemment la Symphonie sur un chant montagnard français dite Cévenole avec piano obligé (ce n'est pourtant pas un concerto), s'ils ont entendu parler de Fervaal - plutôt en relation avec la polémique pro-anti-wagnérienne de l'époque que pour son contenu musical, hélas -, s'ils savent que Vincent d'Indy fut l'un des fondateurs de la Schola Cantorum de Paris, le public musicophile ne le connaît guère qu'au titre de compositeur un peu rude, un peu austère, un peu âpre, un peu wagnérien, un peu inflexible, le montagnard débarqué dans l'urbs. Erreur ! Vincent d'Indy est un pur Parisien de la cuvée 1851 (il est donc contemporain de Fauré, Chausson et Messager), d'ascendance aristocratique, catholique et royaliste, qui fit ses études au Conservatoire de Paris avec César Franck, qui s'enrôla à dix-neuf ans dans la Garde nationale lors de la guerre franco-prussienne, même s'il s'inscrivit ensuite dans les tendances du symphonisme allemand bien plus que dans celles de l'avant-garde française.



Dès sa jeunesse, Vincent d'Indy aura l'occasion de rencontrer tout ce que l'Europe comptait alors comme grands musiciens : Duparc qui le recommanda à Franck, Bizet (c'est d'Indy qui officiait comme souffleur lors de la création de Carmen !), Massenet, ainsi que Liszt et Brahms lors d'un voyage en Allemagne dès 1873. Sa grande révélation fut la création de la Tétralogie de Wagner à Bayreuth en 1876, puis Parsifal en 1882 : d'Indy deviendra une sorte de wagnérien français, ce que les Français ne manqueront pas de lui reprocher (ou du moins de l'en marquer au fer rouge) sans se préoccuper de savoir qu'il a, en réalité, détourné le langage wagnérien dans une écriture transparente à la française, beaucoup plus contrapuntique que son illustre pseudo-modèle, avec des lignes mélodiques radicalement divergentes et une conception orchestrale d'essence puissamment française. Seule l'ampleur du propos est réellement wagnérienne, en réalité.



Fervaal, justement : l'ouvrage fut débuté en 1881 mais ne vit réellement le jour que quatorze ans plus tard, en 1895, et devra attendre 1897 pour être créé - à Bruxelles, une ville qui servait alors quasiment de « laboratoire d'avant-garde » pour bien des ouvrages français modernes, puisque c'est là que furent créés Gwendoline de Chabrier, Le Roi Arthus de Chausson, Hérodiade de Massenet, Salammbô et Sigurd de Reyer, Yolande de Magnard. Le sujet druidique fit comparer Fervaal à Parsifal, ce qui est omettre le caractère profondément national, celtique même - sans oublier la lourde tendance pro-chrétienne - de l'ouvrage, et encore une fois, l'orchestration (avec quatuor de saxophones, clarinette contrebasse, huis saxhorns), l'harmonie, la conduite mélodique, très personnelle de d'Indy. Après Fervaal, d'Indy se lance dans un grand opéra symbolique, L'Etranger, plus ou moins inspiré d'Ibsen, mais dans une atmosphère française, intensément chrétienne, sans doute plus proche des féeries lyriques de Rimsky-Korsakov que du drame sacré wagnérien, avec incursions dans le monde naturaliste (et surtout pas vériste !) que l'on retrouvera, dans le traitement dramatique, dans Peter Grimes de Britten : un obscur port de pêche, un pêcheur plus ou moins en marge de la communauté, une rédemption par l'amour et la femme. L'ouvrage fut créé, lui aussi, à La Monnaie de Bruxelles, et il en existe depuis peu (enfin !) un enregistrement complet. Debussy, dont on connaît la dureté dentaire vis-à-vis de ses contemporains, semble avoir eu pour L'Etranger quelque bonté, ainsi qu'en témoigne un élogieux article paru dans Monsieur Croche : « je veux rendre hommage à la sereine bonté qui plane sur cette oeuvre, à l'effort de volonté à éviter toute complication et surtout à la hardiesse tranquille de Vincent d'Indy à aller plus loin que lui-même ». Trouvez l'intégralité de cet article ICI.



Son prochain et ultime ouvrage lyrique sera le drame religieux et symboliste La Légende de saint Christophe de 1908/1915 (créée seulement en 1920), alliant rigueur d'écriture à l'ancienne et influences thématiques populaires, et qui tient un peu de tous les genres du compositeur : symphonique, dramatique, lyrique, folkloriste, religieux, descriptif, mais l'oeuvre n'a pas encore refait surface.



Mentionnons encore ses trois Quatuors à cordes, bien rarement donnés, ou encore trois symphonies (en plus de la «Cévenole») presque jamais jouées, dont la magnifique Troisième de 1918, Sinfonia brevis de bello gallico, considérée comme «patriotique» ; une demi-douzaine de poèmes symphoniques assez lisztiens dont seuls Wallenstein et Istar ont parfois les honneurs de tel ou tel orchestre en quête de programmation originale, alors que l'on pourrait au moins programmer le Choral varié avec saxophone solo ; ainsi qu'une belle poignée d'oeuvres pour piano. jamais jouées non plus. D'Indy, hélas, est, certes, encore connu aujourd'hui, mais pas toujours pour les bonnes raisons ! Parmi les bonnes, il convient de rappeler qu'il fut cofondateur de la Schola Cantorum, l'un des plus considérables établissements d'enseignement musical parisiens depuis 1896, et dont l'un des objectifs était de redécouvrir la musique la plus ancienne, totalement négligée au Conservatoire de Paris à cette époque. C'est à cet infatigable champion de la musique ancienne que l'on doit la résurrection du Couronnement de Poppée de Monteverdi à Paris en 1925, du Retour d'Ulysse et de tant d'autres chefs-d'oeuvre qui, de nos jours, appartiennent au grand répertoire baroque ou Renaissance, alors que d'Indy dut réaliser tout un travail musicologique avant de pouvoir les faire découvrir au public. La liste de ses élèves est un véritable panthéon : Albéniz, Canteloube, Honegger, Magnard, Varèse, Séverac, Milhaud, Cole Porter, Roussel, Satie et tant d'autres, qui lui vouèrent toujours une grande admiration personnelle quand bien même ils ne suivirent pas nécessairement ses traces musicales.



Là où, hélas, Vincent d'Indy reste indéboulonnablement ancré dans les mémoires, c'est pour ses prises de position politiques et religieuses souvent abruptes, inflexibles, radicales qui n'ont pourtant pas grand chose à voir avec sa musique : il fut un ardent anti-dreyfusard, membre de la Ligue de la patrie française, militariste acharné, chauvin, réactionnaire dans le domaine de la musique et bien d'autres encore (même s'il épousa en seconde noces une jeune femme de 35 ans sa cadette et d'un autre milieu social), catholique que l'on qualifierait de nos jours d'«intégriste». Au même titre que l'on écoute bien les oeuvres de Wagner, dont le nombre de casseroles qu'il traîne derrière lui tient de l'Himalaya, on lit bien Céline ou Daudet dont il est inutile de faire encore le procès. Alors de grâce, laissons de côté les considérations extra-musicales et redécouvrons enfin le compositeur majeur appartenant non pas à la scène française, mais bel et bien à la scène mondiale ; d'ailleurs, sa musique est bien plus souvent jouée aux Etats-Unis ou en Allemagne qu'ici. Une belle intégrale de son oeuvre orchestral n'a-t-elle pas été enregistrée en Islande ? Nul n'est prophète en son pays.



© Qobuz 01/2013

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