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Benjamin Britten

La vie et l'oeuvre de Benjamin Britten, désigné souvent comme le plus grand compositeur britannique après Purcell (il fut aussi altiste, pianiste et chef d'orchestre) présentent une telle richesse que l'on ne sait pas trop par où commencer. Alors, pourquoi pas par les banalités d'usage...



Né le 22 novembre 1913 dans le Suffolk à Lowestoft le jour de la sainte Cécile, d'un père chirurgien-dentiste très mélomane et d'une mère chanteuse et pianiste amateur, il vit une enfance sans histoire de jeune apprenti musicien, des études privées avec Frank Bridge, un passage au Royal College of Music de Londres (parmi le jury d'entrée : Ralph Vaughan Williams !), et un projet de poursuite d'études à Vienne avec Alban Berg qui ne donna rien - hélas ou heureusement, qui le saura jamais. Dans ses années de formation, il se familiarisera avec les oeuvres de Stravinsky, Mahler et son exact contemporain (et plus tard immense ami) Chostakovitch ; certes, il a écrit quelque huit cent tentatives en tout genre, fragments, pistes diverses dans sa jeunesse, la fameuse Simple Symphony à l'âge de 21 ans - son premier ouvrage publié qui est un succès -, mais la première oeuvre dans laquelle l'on reconnaît immanquablement sa griffe est Our Hunting Fathers de 1936, son opus 8. Il a vingt-trois ans, son langage est dorénavant fixé, il n'en déviera presque jamais - peut-être ses concertos pour piano et pour violon de 1938/39 sembleraient-il plus poulenco-chostakovitcho-hindemitho-stravinskyen que brittenien, mais la forme concertante n'est pas son principal pôle d'attraction, la virtuosité instrumentale lui restant étrangère. Le langage défini, il ne lui reste plus qu'à tout écrire. À cette même époque survient sa rencontre avec le ténor Peter Pears, à marquer d'une pierre blanche : Pears deviendra rapidement son plus proche collaborateur musical, une considérable source d'inspiration, et accessoirement son partenaire pour la vie.



Objecteur de conscience, Benjamin Britten quitte l'Angleterre en 1939 mais y retourne dès 1942 ; entre temps, il aura eu le temps d'écrire un premier opéra, Paul Bunyan, et surtout son premier grand chef-d'oeuvre, Les Illuminations sur des textes de Rimbaud, pour cordes et soprano ou ténor, ainsi que la désormais célèbre Sinfonia da Requiem, à ne pas confondre avec le War Requiem nettement plus tardif. La Sinfonia sera le plus grand ouvrage symphonique de Britten qui, en réalité, n'éprouvera jamais d'attrait particulier pour les formes symphoniques trop amples. Il n'a d'ailleurs écrit aucune autre véritable symphonie purement instrumentale.



Dès son retour en Angleterre il livre un autre chef-d'oeuvre, A Ceremony of Carols pour choeur de garçons et harpe, un monument de beauté et de tendresse, suivi de près par l'une de ses plus merveilleuses oeuvres, la Sérénade pour ténor, cor et cordes conçue pour Peter Pears. Puis il se met au travail sur son prochain opéra : ce sera Peter Grimes, achevé au calme dans un petit village maritime dans le Suffolk. Succès planétaire immédiat pour cet opéra qui fait partie de la poignée des plus beaux du XXe siècle puis, bientôt, succès planétaire pour ce petit coin d'Angleterre où Britten fondera le Festival d'Aldeburgh. De Peter Grimes, Britten a extrait quatre Sea Interludes orchestraux et la géniale passacaille, sans doute à l'adresse des orchestres qui veulent aborder sa musique sans pour autant donner l'opéra entier !



Dès lors, la vie de Britten n'est plus qu'une suite ininterrompue de bravos internationaux, mille fois mérités, à chacune de ses nouvelles compositions. La prochaine collaboration sera pour le prestigieux festival de Glyndebourne, qui lui commande l'opéra Le Viol de Lucrèce. Naturellement, le rôle de ténor va à Peter Pears, mais le rôle-titre de Lucrèce est réservé à la plus belle voix qui soit, celle de Kathleen Ferrier. Certes, l'ouvrage est moins «public» que Peter Grimes mais la beauté ineffable de la musique en fait un des sommets britteniens. La même année, 1947, sans doute pour faire contrepoids au lourd sujet de Lucrèce, Britten écrit un délicieux opéra de chambre d'après Le Rosier de madame Husson de Maupassant, ce sera Albert Herring, qui n'est pas aussi souvent donné qu'il le mériterait.



Pendant toutes ces années d'intense composition, Britten n'en oublie pas moins ses autres activités. Il fut un magnifique pianiste, surtout dans le domaine de la musique de chambre et de l'accompagnement de chanteurs - toucher délicatissime, écoute permanente des partenaires, exquise musicalité - dans des répertoires extraordinairement variés, de Schubert à Chostakovitch (qui fut un ami de toute sa vie), en passant par Mozart et Debussy. Parmi ses partenaires, citons Sviatoslav Richter, Pierre Fournier, Mstislav Rostropovitch, Kathleen Ferrier, naturellement Peter Pears. À la baguette, là encore, Britten est un interprète de la plus grande classe et s'il n'était pas devenu le célèbre compositeur qu'il fut, c'est sans doute en tant que chef qu'il se serait fait un nom, malgré sa discrétion et sa modestie. On trouve encore un beau nombre d'enregistrements de ses propres oeuvres, dont plusieurs de ses opéras, mais aussi un peu de tout, de Bach à Chostakovitch, avec une prédilection pour les ouvrages les plus délicats dans lesquels sa vision impeccablement transparente faisait des merveilles.



On est en 1950, Britten a 37 ans, le siècle musical commence à s'orienter dans un autre sens - Boulez essaye ses premières griffes et aiguise ses premières dents, prêt à déchirer sa première Joconde et à dynamiter son premier opéra - mais Britten, fermement ancré dans sa renommée désormais mondiale, ne sent aucun besoin de céder aux sirènes du sériel, encore moins à celles de l'avant-garde autoproclamée, et résolument en rupture avec 500 ans de musique. Ce n'est pas pour autant qu'il se complaît dans une parfaite tonalité romantique ; en réalité, sa musique musarde aux limites de la tonalité, souvent de la multitonalité, les accords s'enchaînent selon une logique aberrante mais irrésistible, et sa musique défie n'importe quelle analyse d'école - tout en donnant l'impression de parfaite harmonie. Caractéristique primordiale : dès les premières secondes d'écoute d'une oeuvre que l'on ne connaissait pas, on sait que c'est du Britten.



Couronnement de sa jeune carrière, le compositeur reçoit commande d'un opéra célébrant le couronnement de la toute nouvelle reine d'Angleterre, Elisabeth II. Ce sera Gloriana, l'un des rares flops de sa carrière. La très gracieuse majesté ne fut guère ravie, les critiques abondèrent dans la royale direction ; certes, le style néo-Renaissance n'est peut-être pas le genre préféré du compositeur, et il venait de se tailler un succès mondial avec la musique considérablement plus moderne de Peter Grimes. Par ailleurs, le livret qui n'était guère tendre avec l'illustre sujet de l'opéra, Elizabeth I et le comte d'Essex, sous-tendu de traits sinistres tels que la décrépitude de la souveraine, ne fut pas l'idée du siècle. L'ouvrage reste largement négligé, hormis quatre extraits symphoniques présentés sous forme de suite orchestrale. Rideau sur l'unique vrai four de Britten.



Car entre 1950 et 1960, il enchaîne par ailleurs les chefs-d'oeuvre. C'est naturellement l'opéra Billy Budd, une sombre et tragique histoire d'hommes d'après Herman Melville, sans doute l'unique opéra du grand répertoire à ne présenter strictement aucune voix de femme. On s'en sera douté, le rôle principal fut tenu par Peter Pears. Suit le diabolique opéra de chambre Tour d'écrou d'après Henry James, une terrible histoire de revenants, d'enfants malfaisants, l'un des ouvrages les plus profonds et uniques de Britten. On remarquera qu'il s'amuse à y dérouler une série dodécaphonique, mais qui suit des pôles de tonalité, ou du moins d'enchaînements harmoniques ponctuels. Le dodécaphonisme tonal, en quelque sorte ! Etant donné que l'oeuvre n'a pas vraiment besoin de ténor principal, Britten écrit pour Peter Pears un ample prologue.



Ce sera ensuite le quatrième et dernier des grands cycles de mélodie avec orchestre de chambre, après Our Hunting Father, les Illuminations et la Sérénade : l'extraordinaire Nocturne pour ténor, sept instruments et cordes. Le ténor, naturellement, sera... devinez. La décennie s'achève avec le grand chef-d'oeuvre des chefs-d'oeuvre, l'opéra Le Songe d'une nuit d'été de 1960 dans lequel il reprend largement la pièce de Shakespeare. Non, le rôle principal n'est pas confié à Peter Pears ni même à un ténor : Obéron est chanté par un haute-contre, en l'occurrence Alfred Deller, dont la voix ni mâle ni femelle permet de souligner l'ambivalence du personnage entre l'humain et le divin, l'urbain et le céleste. Loin de la symphonique orchestration de Peter Grimes, Britten fait ici appel à un ensemble assez réduit, dans lequel les percussions tintinnabulantes jouent un rôle principal, aux côtés de deux harpes, d'un clavecin, d'un célesta, tandis que la partie «classique» de l'orchestre reste modestement cantonné à un effectif mozartien.



Les années soixante ainsi débutées en gloire planétaire, le compositeur poursuit tranquillement son chemin avec l'ample War Requiem de 1962 écrit pour la consécration de la nouvelle cathédrale de Coventry, l'ancienne ayant été rasée par les bombes. L'ouvrage a ceci de particulier qu'il fait appel à trois masses sonores radicalement opposées : le très grand orchestre et choeur d'une part, un petit orchestre de chambre soutenant le ténor et le baryton ensuite, ainsi qu'un choeur de garçons accompagné d'un petit orgue positif, tant que possible placé à distance des autres intervenants. Ce n'est qu'à la fin que les trois forces se rejoignent dans la partition. Effet spatial garanti. Initialement, l'oeuvre devait être créée par une soprano russe - Galina Vichnievskaïa, l'épouse de Rostropovitch -, un ténor britannique (on sait qui !) et un baryton allemand, Dietrich Fischer-Dieskau, afin de symboliser l'esprit de réunion humaine dix-sept ans après la fin de la guerre, mais la dictature soviétique refusa l'autorisation à Vichnievskaïa au dernier moment. Cela dit, il lui fut quand même permis de « passer à l'ouest » pour l'enregistrement dirigé par Britten. Il ne fallut que quelques semaines pour que ce magnifique ouvrage fasse le tour du monde et, de nos jours encore, il fait partie - malgré l'ampleur des forces qu'il exige - du grand répertoire sacré.



Dans la foulée russe, Britten offrira à Rostropovitch une série d'oeuvres pour violoncelle : trois Suites en solo, une symphonie avec violoncelle (disons que c'est une symphonie concertante) et la Sonate pour violoncelle et piano. La magie entre Rostropovitch et Britten est l'un de ces rares moments de fusion humaine totale. Sa fille rapporte que lorsque le vieux lion violoncelliste était déjà dans le coma, quelques heures avant de rendre l'âme, elle lui avait fait entendre son propre enregistrement de la sonate «Arpeggione» de Schubert avec Britten au piano réalisé quelque cinquante ans auparavant ; tout inconscient qu'il fut, Rostro laissa échapper une larme.



Entre temps, le Festival d'Aldeburgh prenait une importance considérable dans la vie musicale britannique et brittenienne, de sorte que la reine d'Angleterre en personne inaugura bientôt un nouveau bâtiment (à partir de plusieurs malteries abandonnées) en 1967, puis à nouveau en 1970 après l'incendie du premier bâtiment.



Hélas, depuis le milieu des années soixante, Britten était déjà affaibli par une maladie cardiaque, et il composera nettement moins jusqu'à sa mort le 4 décembre 1976 à Aldeburgh. Moins, mais pas moins bien, car c'est de cette époque que datent quelques-uns de ses plus extraordinaires chefs-d'oeuvre. On pense naturellement à l'opéra La Mort à Venise d'après Thomas Mann, un ouvrage sombre et brillant à la fois, assez dépouillé, certes, mais dont chaque note fait mouche. N'oublions surtout pas son ultime oeuvre vocale, la cantate Phèdre, écrite pour la jeune contralto Janet Baker, une pièce certes courte - seize minutes - mais d'une stupéfiante densité musicale. Il convient étalement de mentionner le trop rare opéra Owen Wingrave, sans doute le premier exemple d' « opéra télévisuel », objet d'une commande pour la BBC.



On n'oubliera quand même pas de citer l'une de ses oeuvres les plus célèbres auprès du public moins averti : A Young Person's Guide to the Orchestra, aussi connu sous le nom de Variations et fugue sur un thème de Purcell, une oeuvre mi-didactique, mi-farceuse de 1946, destinée à présenter les instruments de l'orchestre à la jeunesse. Bien au-delà de Prokofiev avec Pierre et le loup, Britten donne à chaque instrument, puis à chaque groupe instrumental la voix au chapitre, dans un extravagant délire de virtuosité orchestrale que vient couronner une fugue en tutti non moins délirante, écrite en plusieurs tonalités et en plusieurs rythmes superposés.



© Qobuz 01/2013

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