Villa-Lobos : Prole do Bebê, Rudepoema, As três Marias

Chronique

Le Rudepoêma d’Heitor Villa-Lobos fait partie de ce petit nombre d’œuvres pour piano connues pour leur insurmontable difficulté technique. Composé à l’intention d’Arthur Rubinstein qui le jouera pour la première fois en 1927, le Rudepoêma est souvent considéré comme le chef-d’œuvre du compositeur brésilien. Long, touffu, excentrique, il a découragé plus d’un interprète. « Il faut une force de bûcheron - écrit Rémi Jacobs -, des mains de bronze et un appétit d’ogre pour ingérer et restituer cette musique ». Son titre évoque bien sûr la sauvagerie mais et intègre aussi le surnom de « Rudi », que Villa-Lobos donnait affectueusement à Rubinstein.

Enregistré en 1973 à Berlin, cet album est entièrement consacré à Heitor Villa-Lobos, par son compatriote Nelson Freire, aussi indissociable du Brésil que l’était le grand compositeur disparu en 1959. Passionné par la musique de Villa-Lobos, Nelson Freire la jouera tout au long de sa carrière, l’imposant au concert comme au disque.

Cette superbe anthologie regroupe des pièces d’époques et de styles bien différents, et Nelson Freire colore chaque pièce avec une incroyable bravoure et une assurance technique jubilatoire. On y trouve A prole do bebê, des pièces faussement enfantines et délicieuses inspirées autant de Ravel que de Poulenc, le Prélude de la 4e des Bachianas Brasileiras, solennel et respectueux du style de Bach qui n’est ni plagié ni moqué, les Três Marias, trois bagatelles pleines d’esprit.

Toutes ces pièces plus ou moins légères offrent évidemment un étonnant contraste avec le Rudepoêma, plat de résistance en conclusion de cet album. © François Hudry/Qobuz