Underground (Special Edition)

Chronique

L’année de sa sortie, en 1968, cet album a reçu un Grammy Award…pour la meilleure couverture ! Et quelle couverture, Thelonious Monk y est montré comme un membre de la FFI ayant capturé un officier SS. Les notes de pochettes, entièrement dévolues à l’explication de l’illustration de couverture, nous apprennent que le lieu est celui de l’appartement de Thelonious Monk, transformé pour l’occasion en cache secrète dans laquelle s’accumulent des objets faisant référence à la Seconde Guerre Mondiale (comme les appareils de transmission, le portrait du Général De Gaulle et les armes présentes) et à la lutte pour la liberté (je vois la figure féminine en fond de tableau comme une réminiscence de la liberté guidant le peuple de Delacroix). Le terme « Underground » selon Gil McKean, l’auteur des notes de pochette, fait le lien entre la Résistance et l’histoire personnelle de Thelonious Monk lorsqu’au Minton’s Playhouse il a contribué à la naissance du bebop avec l’underground du jazz de l’époque.





La récompense attribuée à l’illustration de couverture a quelque peu fait de l’ombre à la musique offerte sur cet album qui est, je pense l’un des meilleurs de Thelonious Monk. Ce que le public et les critiques de l’époque ne pouvaient pas savoir est que cet album serait le dernier avec Charlie Rouse, le dernier enregistré en studio pour Columbia et le dernier entièrement constitué de pièces originales. Dans les années suivantes, il s’est progressivement retiré de la scène et tous les albums publiés après celui-ci sont des captations en public.

Le résultat de trois séances d’enregistrement est présent ici : « Green Chimneys » et les deux prises de « Ugly Beauty » furent enregistrées le 14 décembre 1967, le 21 décembre ce fut au tour des deux autres de « Boo Boo’s Birthday ». La troisième séance a été réalisée en trio, sans Charlie Rouse donc, mais avec Jon Hendricks en invité sur « In Walked Bud » qui a écrit des paroles pour l’occasion. Les autres morceaux de la séance sont « Raise Four », « Easy Street » et deux prises de « Thelonious ». « Easy Street » est un standard de A.R. Jones mais était nouveau dans le répertoire de Thelonious Monk, « Thelonious » avait déjà été enregistré en 1947 pour Blue Note, et « In Walked Bud » l’a été à plusieurs reprises mais la performance et les paroles de Jon Hendricks renouvellent le morceau considérablement.





Les amateurs de la musique de Thelonious Monk seront en terrain familier, depuis le lyrisme du thème d'« Ugly Beauty » aux riffs du blues « Raise Four » mais l’ensemble est à son meilleur niveau. Charlie Rouse donne un remarquable solo  en restant très près du thème dans « Boo Boo’s Birthday », tout comme Larry Gales dans un solo à l’archet dans Easy Street. Le swing et l’enthousiasme de Jon Hendricks sont à l’image de l’abum, dont la plus récente édition nous permet d’entendre les trois prises supplémentaires et restaure l’intégralité des morceaux coupés dans l’édition vinyle.                                                                                                                                  





                                                                                                                                                                         

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