Recto Verso (Radio Edit)

Chronique

Simon Mény et Pierre Rousseau travaillent sur ce premier album de Paradis depuis 2013, attendu avec impatience depuis la publication d'une poignée de simples tous aussi réussis les uns que les autres. Faut-il discerner chez ce duo une sorte de nonchalance ? Ou est-ce simplement une attitude posée et détachée de toutes contingences de l'industrie musicale actuelle ? Les intéressés répondent simplement avec les douze chansons de Recto Verso, où le tempo n'est jamais soutenu, où les voix et l'instrumentation électronique observent une forme de retenue et de distance élégante.

Le concept de Paradis embrasse une certaine tradition de la chanson française en l'habillant de musique électronique. Avant eux, dans les années 1980, des artistes comme Octobre, Ubik, Modern Guy ou Étienne Daho conjuguaient déjà une passion pour les belles lettres et les rythmes des musiques noires américaines. Les guitares funky et les synthés servaient de canevas pour cette nouvelle chanson française.
Paradis reprend (inconsciemment ?) aujourd'hui à son compte l'idée que des paroles travaillées méritent également un écrin soigné. Mais ici, c'est la house qui a pris le pas sur le funk. 

La poésie et l'élégance se ressent d'emblée sur « Instantané », le titre d'introduction. Le duo chante ces quelques mots éloquents : « Des harmonies accidentées, une liaison inappropriées. Une simple chanson pour résumer une histoire qu'on aurait inventé pour ne jamais se dévoiler ». On comprend immédiatement que le propos de Paradis est une invitation à se fondre dans une atmosphère troublante où chaque élément, (synthétiseurs abstraits, percussions ascétiques, choeurs lointains) est dessiné d'un trait raffiné certes, mais qui peut paraître froid et dépouillé. Même les percussions latines et deep house de la chanson « Mieux que tout » ne parviennent pas à réchauffer cette ambiance guindée.

« Quand tu souris, « Toi et moi », « Garde le pour toi » sont autant de chansons d'amour évoquant tantôt les mélancoliques écossais de Blue Nile, souvent le dandy Alain Chamfort, qui est d'ailleurs repris sur le superbe « Paradis ». On songe aussi à l'association du producteur Marshall Jefferson avec Cabaret Voltaire qui, en 1988, avait produit ce genre d'atmosphère mi glacée, mi-doucereuse. Recto Verso est l'oeuvre d'esthètes qui maîtrisent à la perfection leurs codes et leurs références personnelles. Un album envoûtant et singulier, parfaite bande originale pour accompagner les premiers jours de l'automne.

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