Matangi

Chronique

Lorsque M.I.A. affirme que son quatrième album  a été repoussé pendant deux ans par son label parce que son contenu était jugé « trop gentil », on peine à la croire. S'il fait référence au véritable prénom de M.I.A. (Mathangi), Matangi fait surtout référence à la déesse hindouiste Matangi. Cette dernière est à la fois une sanglante guerrière et une muse des musiciens, considéré comme néfaste dans cette complexe religion, elle reçoit de la part de ses adorateurs des offrandes en nourriture avariée ou impure. Loin d'être anodine, cette précision éclaire la vision punk de M.I.A.

Matangi est tout sauf un gentil disque pour consommateurs menés à la caisse du magasin le plus proche par Vishnu. C'est le disque d'une agitatrice révoltée, d'une féministe déchaînée qui n'aime rien tant que bousculer les conventions. Certes sa musique connaît parfois quelques baisses de régime, mais sa collision entre l'electro, le rap, le punk et des orchestrations bollywoodiennes reste unique.

Telle une Kali tirant la langue au politiquement correct, M.I.A. déclenche une nouvelle fois la polémique avec « Bad Girls » dont le clip s'attaque à l'absence de droits des femmes en Arabie Saoudite. Non contente de chatouiller les rois du pétrole, M.I.A. distille le doute dans nos esprits d'une voix étrangement claire sur « Know It Ain't Right ». Cette fausse douceur est contredite par un « Y.A.L.A » où elle harangue la foule sur fond d'un beat indianisant du IIIème millénaire.

On avait été prévenus avec l'enchaînement « Karmageddon »/« MATANGI » en ouverture de l'album, ce disque ne serait pas une partie de plaisir. Lancé par un Ôm bref, « Warrior » est un mantra agressif qui fait bien sentir que loin d'être une religion pour babas cool l'hindouisme n'a jamais fait de quartiers. Sur « Double Bubble Trouble » quelques basses dub viennent apporter un peu de ganja à Parvati qui l'a naguère semée pour éteindre les légendaires colères de son époux Shiva.

Disque extrême, Matangi risque surtout de valoir à M.I.A. un renvoi de chez Interscope dans le cas plus que probable de son échec commercial. L'important n'est visiblement pas là pour M.I.A. surtout occupée à allumer le feu purificateur d'une musique dont le karma est tout sauf consensuel.

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