Giardini: Chamber Quartets

Chronique

Felice Giardini était l’un de ces innombrables musiciens continentaux qui s’installèrent à Londres à partir du milieu du XVIIIe siècle, une époque où la capitale anglaise était un centre névralgique pour tous les artistes européens. Geminiani, Abel, Johann Christian Bach, Haendel, plus tard Mozart et Haydn de passage, tous cherchèrent (et parfois trouvèrent) gloire et fortune à jouer et composer pour la nouvelle classe bourgeoise et leurs salons cossus, ainsi que pour les théâtres qui poussaient comme des champignons pour satisfaire les amateurs de tous horizons. Dès les années 1750, Giardini s’était donc installé à Londres, et se fit un nom comme l’un des meilleurs violonistes, ce qui lui permit d’atteindre rapidement les plus hautes sphères de la bonne société. De la sorte il obtint du roi George II le privilège de publier nombre de collections d’œuvres vocales et instrumentales, parmi lesquelles les Six sonates pour clavecin et violon Op. 3 qui se singularisent de par le fait que le clavecin n’y est pas réduit au simple rôle de continuo, mais au contraire se voit confier une partie soliste fort virtuose et présente. En 1778, Giardini publia deux collections de quatuors pour différents effectifs, entre autres les Six quatuors Op. 21 – trois pour clavecin et trio à cordes, trois pour clavecin, deux violons et violoncelle. Grâce à ses mécènes aristocratiques voire royaux, Giardini put poursuivre son travail de compositeur sans avoir à se soucier du lendemain, et en 1782 il publiait une nouvelle collection de six quatuors, qui deviendraient l’Op. 23, dédiés au Prince de Galles – le futur roi George IV. On y trouve en particulier deux quatuors pour un violon, deux altos et violoncelle, une combinaison instrumentale plutôt singulière. En 1784 il s’embarqua, avec l’un de ses mécènes, pour une tournée européenne qui devait durer six années. Mais à son retour à Londres en 1790, la chance avait tourné ; il s’essaya au travail d’impresario, sans succès car les goûts musicaux des Anglais avaient radicalement changé au cours de ces six années, tandis que de nouveaux musiciens étaient venus occuper la scène et les esprits. Ainsi, il se lança en 1792 – presque octogénaire ! – dans la dernière aventure de sa vie, une tournée à Saint-Pétersbourg avec une troupe d’« opera buffa ». Le peu que l’on sait de cette tournée laisse entendre qu’elle fut un désastre ; et Giardini s’éteignit en 1796 à Moscou, pauvre et oublié. Cet album présente un large éventail d’œuvres écrites tout au long de sa carrière, avec en point d’orgue un quatuor avec deux altos, un autre avec clavecin concertant. L’auditeur pensera sans doute parfois à Boccherini dans l’écriture instrumentale et la légèreté de ton de tant de mouvements. © SM/Qobuz