El

Chronique

Le deuxième album de Charles Souchon s’intitule donc El. Le premier répondait au doux nom de Mi. Les deux accolés, cela donne Miel, de quoi ravir les amateurs de plaisanterie facilement compréhensibles, et les nounours, justement. Mais pensez-vous qu’Ours a mis à profit les deux ans qui viennent de s’écouler à simplement renouveler son abonnement à l’Almanach Vermot ? Point du tout.

En fait, par-delà le succès – qualifié pudiquement d’estime – de son premier effort, le chanteur a multiplié les concerts (sur toutes les scènes qui ont bien voulu l’accueillir, pour tout dire), les musiques à programme (partitions pour le théâtre), et les anecdotes hallucinantes. Ainsi d’Elton John, qui, incité par son manager, a offert le disque Mi à tous ses amis pour Noël, et a poussé à la roue pour que ledit album soit réenregistré en anglais (un projet finalement abandonné). Ou du manager mentionné plus haut, passé avec armes et bagages dans le staff de Lilly Allen, et qui est responsable du fameux duo sur « 22 » (un hit, au demeurant) entre la Londonienne et Ours.

Tout cela a assurément nourri, d’une manière ou d’une autre, un opus conçu en compagnie d’un ami de longue date, Lieutenant Nicholson (Nicolas Voulzy dans les dîners en ville), et généré d’une simple guitare acoustique, et d’un chant timide, qui rappelle un autre chant enraciné, mais pas trop, ce qui est pour le jeune artiste la meilleure nouvelle au monde. Ensuite, il a fallu habiller les chansons – plutôt aquarelle que ripolinage, cela dit – de quelques éclats électriques, claviers en nappes et percussions de poche. Assez naturellement, c’est à Renaud Létang qu’a été confiée la tâche, le même qui a précédemment inscrit dans son grand livre de recettes Mathieu Boogaerts, et Jane Birkin. Cette mise en couleurs reste allusive, et c’est tant mieux pour des chansons qui, en règle générale, parle de filles, de garçons, et de garçons et de filles. Avec tantôt un peu de mélancolie, et plus tard la nostalgie qui sied aux belles histoires évanouies. Ours ayant la patte légère et pas le désir de blesser, le tout finalement s’achève par un sourire en demi-lune, pour oublier qu’on s’est navré. Et on a même droit à quelques hommages de plume (pour que leurs cuisses puissent glisser dans le Levi’s, in « En jean et féminine ») passablement gainsbouriens.

Voilà, El (lui en espagnol, mais cela n’a aucun rapport) est un disque dans lequel on pénètre sans tambour, ni trompette, mais avec le net sentiment d’un état d’apesanteur, de légèreté mais pas de vacuité, qu’on ne ressent pas très souvent ailleurs. De là à assurer qu’Ours peut d’ores et déjà revendiquer une personnalité, une écriture, et une sensibilité en propre ? On l’assure.



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