Joey Alexander, l'album majeur

On peut se montrer prudent face au phénomène des enfants prodiges (remettant en question d’ailleurs moins le principe de précocité en tant que tel que la façon dont l’industrie du spectacle s’en empare et le manipule) et reconnaître le talent lorsqu’il surgit et comme ici s’affirme avec autant d’éclat. Avec son nouvel album Origin — le premier sur le label Mack Avenue mais déjà son sixième alors qu’il vient à peine de fêter ses 18 ans — le (toujours très) jeune pianiste indonésien Joey Alexander non seulement confirme et enrichit du poids de la maturité (!) des talents d’instrumentiste hors du commun mais, en signant la totalité des thèmes du répertoire, affirme pour la première fois une vraie personnalité de compositeur offrant à sa musique une nouvelle respiration et comme un nouvel élan.

Accompagné de ses complices habituels, Larry Grenadier à la contrebasse et Kendrick Scott à la batterie, Joey Alexander développe sur une grande partie d'Origin un art du trio à la fois organique et extrêmement sophistiqué dans ses conceptions architecturales, donnant vie à des formes très précisément élaborées par un sens de l’interplay et du son global bluffant pour un leader aussi jeune.

Invités à se joindre à la formation sur quelques plages en quartet et en quintet, le saxophoniste Chris Potter et le guitariste Gilad Hekselman apportent à Alexander, outre la qualité de leur lyrisme et de leur sens de l’improvisation, une gamme de couleurs et de textures sonores supplémentaires qu’il intègre et déploie avec beaucoup de nuances dans des arrangements d’une grande fluidité, mettant en valeur la personnalité de chacun des intervenants. Développant pour sa part un jeu virtuose mais jamais démonstratif, fondé essentiellement sur un art du placement rythmique redoutable de précision, Joey Alexander fait respirer son clavier avec un grand naturel et, s’adonnant pleinement à la jubilation du swing, signe son premier vrai grand disque.

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