Mélange de dancehall jamaïcain, de hip-hop américain, de rythmes caribéens et de tchatche en espagnol, le reggaeton a, depuis sa naissance dans les années 90, donné plusieurs coups de butoir pour forcer la porte de la pop music. Des premières mixtapes de DJ Playero au “Barrio Fino” de Daddy Yankee, en passant par le “Tra-Tra-Tra” de Don Chezina, les musiciens de Porto Rico et leur succursale colombienne de Medellin ont tout tenté pour conquérir le monde et y sont parvenus dans la dernière décennie à travers Luis Fonsi, J. Balvin ou Bad Bunny. Retour en 10 albums sur l’histoire d’un genre qui n’a pas fini d’être populaire.

Daddy Yankee - Barrio Fino (2004)

C’est le grand classique du reggaeton, l'album qui a connecté la rue et les radios et qui a permis la révélation internationale pour Daddy Yankee, l’un des fers de lance de la scène de San Juan et celui qui a inventé le terme “reggaeton” pour évoquer ce mélange de dancehall, hip-hop et rythmes caribéens. Accompagné de la chanteuse Glory pour les chœurs, Daddy Yankee permet au genre de passer un cap vers le mainstream et l’exportation. Tractée par deux tubes entrés au panthéon du genre, le très street Gasolina et le plus salsa Lo Que Pasó, Pasó, Barrio Fino est propulsé numéro 1 du Top Latin Albums de Billboard et deviendra la plus grosse vente du genre de la décennie, ouvrant la porte à des artistes comme Don Omar, Tito El Bambino ou le duo Wisin & Yandel, en featuring sur No Me Dejes Solo. “C’était le début d'un mouvement”, raconte Yankee. Barrio Fino a apporté du glamour au barrio. Les kids se disaient : si Yankee l'a fait, je peux le faire aussi. Grâce à Gasolina, le monde entier a connu le reggaeton. Une partie du succès de ce titre vient du fait que les gens se demandaient s’il y avait un sens caché au terme 'gasolina'. Parle-t-il de drogue ? D’alcool ? Mais non, ce morceau est complètement littéral. C’est la chanson la plus innocente que j’aie jamais écrite.”

Ivy Queen - Diva (2004)

L’histoire d’Ivy Queen est intimement liée aux débuts du reggaeton, puisqu’elle fut la première femme à intégrer le collectif/club The Noise, formé entre 1992 et 1994 et dont sont issus DJ Negro, DJ Nelson ou Don Chezina, l’homme de Tra-Tra-Tra, l'un des premiers sons reggaeton à avoir percé aux USA en 1998. Après avoir auditionné le dos tourné à cause du stress, Ivy Queen devient l’un des étoiles montantes du crew portoricain. Elle fait forte impression sur son tube Somos Rapperos Pero No Delincuentes, un boom bap à la Cypress Hill, avec son flow à la Mr Vegas et un beat syncopé irrésistible. Elle signe alors un deal avec Sony, et sort deux albums pour la major, qui réaliseront des scores décevants pour les patrons. Ivy Queen est larguée sans ménagement en 1999 et fait une pause dans sa carrière. En 2001, elle revient dans le game avant de sortir son troisième album Diva en 2004. Elle ne pouvait pas rêver d'un meilleur timing. Daddy Yankee vient de sortir son Barrio Fino et le reggaeton va bientôt exploser dans le monde entier. Diva, produit par la crème des beatmakers de San Juan, Luny TunesDJ NelsonNoriega et Iván Joy, sera certifié platine, grâce notamment à la locomotive Quiero Bailar, avec son intro qui mime le Liquid Riddim du producteur jamaïcain Jeremy Harding, un des gros tubes de l’année 2001 dans le monde du dancehall, popularisé par le décrié Keep It Blazin’ de T.O.K.. Ivy Queen accède enfin au trône.

Luny Tunes & Tainy - Mas Flow : Los Benjamins (2006)

Au début des années 2000, Francisco Saldaña (Luny) et Víctor Cabrera (Tunes) ont à peine 40 ans à eux deux et aucune carte de visite. C’est Ivy Queen qui leur fera confiance la première pour produire son single Quiero Saber. Derrière, ils enchaînent avec A La Reconquista d’Hector & Tito, et DJ Nelson décide de les signer sur son label Flow Music. Ils deviennent l’équipe de beatmakers la plus courue de San Juan après avoir composé le beat de Gasolina, le hit mondial de Daddy Yankee, sorti en 2004. Une autoroute s’ouvre alors à eux, et deux ans plus tard, ils sortent leur premier album sous leur nom, en réunissant des valeurs sûres de la scène locale (Don Omar, Daddy Yankee, Héctor El Father, Tito El Bambino, Wisin & Yandel, Alexis & Fido, Ñejo & Dalmata, Arcángel & De La Ghetto…), notamment sur les 6 minutes de Royal Rumble (Se Van), durant lesquels s’affrontent en freestyle Daddy Yankee, Don Omar ou Hector El Father. Du reggaeton brut en direct de la rue. Le duo fait aussi découvrir au monde leur jeune padawan, Tainy, qui deviendra l’un des producteurs le plus demandés de la décennie suivante, signant les hits I Like It de Cardi B featuring Bad Bunny et J Balvin ou encore No Es Justo de J Balvin avec Zion & Lennox.

Don Omar - The Last Don (2003)

Cet album symbolise l’avènement d’“El Rey”, le roi du reggaeton Don Omar. Après une enfance bercée par la foi protestante, Omar s’est acoquiné dès ses débuts dans la musique avec le duo de producteurs Luny Tunes. Il assure ensuite les chœurs pour le duo Héctor & Tito, et Héctor Delgado le prend sous son aile pour l’aider à produire son premier album, qui sera un vrai coup de maître. Affublé d’Eliel et Luny Tunes à la production, Don Omar livre en juin 2003 un album de reggaeton proche de ses racines et surtout une flopée de hits, avec les singles Dale Don Dale, Dile et Intocable, qui invoquent dancehall, hip-hop, dembow et salsa, Dale Don Más Duro en featuring avec Glory, ou le très street La Noche Esta Buena avec le king Daddy Yankee. Récompensé par les trophées du meilleur album de l’année et de la révélation de l’année aux Billboard Latin Music Awards de 2003, Don Omar met son reggaeton pur jus et plutôt brut dans la matrice de la pop mondiale, augurant de sa transformation en superstar latino avec sa reprise de La Lambada (Taboo) et ses apparitions dans la série de films Fast & Furious avec son complice Tego Calderón.

Tego Calderón - El Abayarde (2004)

Le premier album du rappeur portoricain Tego Calderón a connu un chemin mouvementé. Une semaine après sa sortie, en décembre 2002, le légendaire label local White Lion se retrouve dépassé par les événements. Les 50 000 exemplaires de l’album sont déjà écoulés, notamment chez les émigrés aux Etats-Unis et il faut le represser. Mais les fans de reggaeton n’ont pas le temps et le disque part dans les sous-sols de San Juan pour être piraté. White Lion finir par signer un deal de distribution avec Sony BMG quelques semaines plus tard pour fournir la demande. Le disque sera réédité avec une pochette et des titres bonus pour le différencier des copies pirates. Entre-temps, Tego Calderón est devenu la nouvelle icône de Porto Rico, grâce à son reggaeton teinté de salsa et son flow débonnaire qui plaît à tout le monde posé sur les productions des meilleurs beatmakers de l’île, les incontournables Luny Tunes, DJ Nelson ou encore Maestro. Probablement l’album qui a fait le plus pour le reggaeton aux Etats-Unis et en Europe.

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