Chaque mois, la rédaction de Qobuz repère pour vous les sorties à ne pas manquer, dans tous les genres.

MUSIQUES ELECTRONIQUES (Smaël Bouaici)

Au rayon électronique, c’est la DJ/productrice de house canadienne qui a tiré la première ce mois-ci avec son album Guy, sur lequel elle fait naviguer sa voix entre house et R&B et qui devrait faire d’elle la nouvelle égérie du label pionnier Ninja Tune. A noter aussi ce mois-ci, l’album live de Darkside, pour lequel Nicolás Jaar et Dave Harrington ont enregistré leurs sessions au Spiral House de Los Angeles en compagnie de leur nouveau batteur Tlacael Esparza, avec qui ils sont en tournée tout l’été en Europe. Le live semble être le format de l’été, puisque le compositeur français Rone sort aussi le sien le 16 juin, L(oo)ping, enregistré avec les musiciens de l’Orchestre national de Lyon dirigés par Dirk Brossé. Enfin, n’oublions pas le 14e album du prolifique compositeur suédois Jay-Jay Johanson, qui pose sa douce voix sur les beats feutrés de Fetish et touche directement au cœur comme sur le magnifique single The Stars Align.

JAZZ (Stéphane Ollivier)

Ce mois de juin sera marqué par la sortie de quatre albums de chanteuses aux styles et parcours très différents, illustrant l’extraordinaire diversité de formes et traditions qui se regroupe sous l’étiquette jazz. Blue Note publie ainsi à quelques semaines d’intervalle la réédition Deluxe du cinquième album de Norah Jones Little Broken Hearts, considéré comme l’un des albums phares de sa riche discographie, et le tout premier disque pour le label de la chanteuse et bassiste Meshell Ndegeocello, The Omnichord Real Book, soulignant avec élégance les accointances de son univers hybride et syncrétique sans rien sacrifier de son style inimitable.

Magnifiquement accompagnée par le pianiste Kenny Barron, Robin McKelle signe avec Impressions of Ella un hommage vibrant à l’art vocal inimitable de la géniale Ella Fitzgerald, tandis que la Suissesse Elina Duni publiera pour ECM avec A Time to Remember, reliant des musiques venues de tous les coins du monde au prisme du jazz et de l’improvisation. Les pianistes ne seront pas en reste : Bojan Z publie avec As Is un solo d’une grande intensité poétique, tandis que le Cubain David Virelles (Carta) revisitera l’art du trio à partir de son lien à la créolité. De son côté, le guitariste Pat Metheny sort de ses archives personnelles une série de solos oniriques (Dream Box) et le label Atlantic publie sous forme de coffret la réédition des ultimes enregistrements 70′s du grand Charles Mingus (Changes : The Complete 1970s Studio Recordings).

ROCK & ALTERNATIF (Charlotte Saintoin)

La sortie la plus bouillante de ce premier mois d’été, c’est celle des savants fous King Gizzard & The Lizard Wizard. Les singles Dragon et Gila Monster le laissaient présager : les Australiens livrent, ce 16 juin, leur album le plus trash à date – ce n’est pas rien sur une discographie qui en compte 24. Les Gizzard assument enfin leur amour pour les riffs lourds, les rythmes urgents et motorik où la batterie de Michael Cavanagh prend les commandes, avec bien sûr des morceaux interminables de plus de neuf minutes. Un délice qui risque de déchaîner les passions, en fosse comme en festival. Paraît-il que les Gizzard ont presque terminé leur 25e album.

A la même date, les Queens Of The Stone Age de Josh Homme reprennent du service après six ans d’absence, avec le plus cru In Times New Roman…. Pour les cœurs tendres qui aiment rebondir fort, les rares Beach Fossils déposaient, le 2 juin, le discret et concis Bunny, toujours dans cette veine dream pop sous chloroforme qu’on leur connaît, tandis que les irascibles Cowboy Junkies sortaient le sombre et magnifique Such Ferocious Beauty, enchevêtrement de rock et country alternative.

Le 9 juin, O Monolith du jeune quintet anglais Squid décrochait notre distinction Qobuzissime pour ses expérimentations rock fraîches et audacieuses, et Christine & The Queens entrait dans une dimension céleste, après avoir largement exploré le corps dans Chris, avec les textures classieuses et éthérées de PARANOIA, ANGELS, TRUE LOVE, sur lequel on retrouve Madonna et 070 Shake. On referme cette sélection avec Chaos For The Fly, la percée en solitaire de Grian Chatten, voix emblématique du combo post-punk irlandais Fontaines D.C., ici sur un terrain folk-rock plus sobre et poétique.

CLASSIQUE (Pierre Lamy)

Le 2 juin dernier vous n’avez certainement pas pu manquer notre Qobuzissime décerné à Alpesh Chauhan à la tête du BBC Scottish Symphonic pour son impeccable exploration de Tchaïkovski parue chez Chandos. Pour l’occasion, l’album était disponible dès le 19 mai en avant-première exclusive chez Qobuz, et si le disque a échappé à votre vigilance, il est encore temps de réparer cet oubli ! Le vendredi 9, Warner Classics a eu la bienheureuse idée de rééditer l’enregistrement anthologique du Trouvère (Il Trovatore) de Verdi, par la Callas en 1956, l’un des rôles les plus marquants de la plus grande cantatrice du siècle dernier. Ne passez pas non plus à côté du splendide récital violoncelle-piano Voice of Rachmaninov consacré au grand maître russe (année commémorative oblige) par John-Henry Crawford et Victor Santiago Assuncion, édité par Orchid Classics.

On pourra aussi se délecter du dernier disque de François-Xavier Roth à la tête de son orchestre Les Siècles, pour une interprétation raffinée de Ma mère L’Oye et autres œuvres de Maurice Ravel. Le 23, on retrouvera William Christie et Les Arts Florissants dans leur élément pour un disque autour d’Handel. Le 30 clôturera ce mois classique en beauté avec trois sorties de premier ordre : un inédit de Keith Jarrett chez ECM dans les pages de C.P.E. Bach, Joe Hisaishi dans sa Symphonic Celebration et Yannick Nézet-Séguin dirigeant le Philhadelphia Orchestra pour un programme Rachmaninov.

BLUES/COUNTRY/FOLK (Stéphane Deschamps)

La pépite du mois est carrément une mine d’or, un trésor inestimable : Written in Their Soul : The Stax Songwriter Demos, regroupe 146 chansons (dont 140 totalement inédites) issues des archives du studio Stax, le célèbre label soul de Memphis. Entre grands classiques et surtout découvertes, ces versions alternatives, souvent plus brutes que les sorties commerciales, n’ont rien de fonds de tiroirs. Le nouvel album de Ben Harper, Wide Open Light, sonne presque lui aussi comme une série de démos : des chansons toutes simples en guitare-voix, par un expert du folk-blues option soul. Un morceau s’appelle Trying Not to Fall in Love With You, et effectivement, il va être difficile de ne pas tomber amoureux de tout l’album.

Dans le même registre mais encore plus folk et chenu, la réédition remixée du Sweet Korn du vieux cow-boy Michael Hurley est une belle redécouverte. Plus roots encore, mais avec des racines croisées, le jeune Nat Myers ressuscite l’esprit de Charley Patton et du très vieux blues sur son excellent Yellow Peril, qui remporte un Qobuzissime. Au rayon patrimoine, on fête les quatre ans de la disparition de Dr. John avec la série The Montreux Years (puisée dans les archives du festival suisse), qui consacre une compilation au légendaire pianiste et chanteur de La Nouvelle-Orléans. Là-bas, la mort n’est jamais triste, et le bon temps continue à rouler pour l’éternité.

MUSIQUES DE FILMS (Nicolas Magenham)

Mark Isham (Et au milieu coule une rivière, Le Dahlia noir…) est de retour ce mois-ci sur les écrans dans le biopic du basketteur LeBron James, Shooting Stars de Chris Robinson. Il signe une partition qui fait la part belle aux cordes et aux percussions, et qui alterne entre les moments épiques et des plages plus intimistes. Un autre destin hors normes est à l’affiche en juin puisque Arnold Schwarzenegger fait l’objet d’une série documentaire qui retrace ses trois « vies » : le champion de body-building, l’homme politique, et bien sûr la star hollywoodienne. Arnold est mis en musique par le duo Christophe Beck & Matthew Feder. Afin de glorifier le mythe, les compositeurs font appel à des cordes staccato, parfois agrémentées de cuivres illustrant idéalement le « monstre » Arnold.

Changement d’ambiance avec la couleur mexicaine de la bande-originale de Flamin’Hot. Marcelo Zarvos signe la musique du biopic d’Eva Longoria sur Richard Montañez, lequel a bouleversé l’industrie agro-alimentaire en utilisant son héritage hispano-américain pour créer les chips Flamin’ Hot Cheetos, devenues un phénomène de la pop culture mondiale. Après La Chute du président en 2019, le compositeur David Buckley retrouve le réalisateur Ric Roman Waugh sur Kandahar, film d’action qui raconte l’histoire d’un agent de la CIA (Gerard Butler) qui se retrouve piégé dans une zone hostile d’Afghanistan. Empreinte d’une certaine mélancolie, la partition de Buckley contraste avec la violence des images. Une BO atmosphérique dans laquelle des timbres traditionnels du Moyen-Orient s’invitent parfois. Terminons ce tour d’horizon avec celle, musclée, de Jongnic Bontemps pour Transformers (Rise of the Beasts) de Steven Caple Jr.. Ou le mariage efficace entre la puissance de l’orchestre symphonique et des instruments électroniques rugissants.

WORLD (Stéphane Deschamps)

Comme un tapis de fleurs rares, le premier album d’Humazapas ouvre cette sélection qui fait venir l’été. Le collectif kichwa (une communauté indigène équatorienne) joue la musique traditionnelle des Andes avec une grâce enchanteresse. Mixé par le DJ Nicola Cruz, Sara Mama est une explosion vivifiante de harpes, de guitares et de voix aussi étranges que familières, qui modernise complètement cette tradition sans la trahir. Autre trésor rare, la réédition de Beauties, l’unique album du duo de chanteuses éthiopiennes Aselefech Ashine & Getenesh Kebret, sorti en 1976 et qui n’a rien perdu de ses charmes ni de son pouvoir d’envoûtement. Une pépite retrouvée de l’âge d’or de la musique éthiopienne.

Plus proche de nous, le combo de Soweto BCUC revient avec Millions of Us, un troisième album qui se révèle être son meilleur : une fusion unique et supersonique entre rythmes zoulous, basse post-punk et chant de prédicateurs gospel, qui atteint ici un niveau d’incandescence inouï. On a hâte de découvrir ce brûlot cathartique en live.

Au rayon collaboration sans frontières, il est urgent de découvrir l’album Jarak Qaribak, qui réunit le musicien israélien Dudu Tassa et l’Anglais Jonny Greenwood (guitariste de Radiohead). Des classiques de la chanson d’amour orientale revisités par des chanteurs de tout le Moyen-Orient, dans un écrin musical qui tient autant de la musique arabe que du rock précis de la formation anglaise. Une vraie réussite.

REGGAE (Smaël Bouaici)

Le mois de juin a démarré avec le très attendu nouvel album du collectif écossais Mungo’s Hi Fi, qui rassemble la crème des MC de Jamaïque et d’Europe (Hollie Cook, Pupa Jim, Johnny Osbourne, Prince Alla) sur Past and Present. L’autre grande affaire du mois pour les fans de dancehall et de shatta, sa version lo-fi antillaise, c’est le nouvel album du toaster parisien Blaiz Fayah, qui tchatche à toute vitesse sur Mad Ting.

Toujours en France, il ne faut pas manquer la rencontre entre Danakil et Ondubground, qui sortent la version live de leur collaboration. Enfin, le combo californien Groundation fait équipe avec les Stéphanois de Brain Damage pour un excellent album entre dub et roots, Dreaming from an Iron Gate.

RAP (Brice Miclet)

“Less is more” : c’est cet adage qui a guidé Dave et Central Cee pour leur EP commun, Split Decision. Les deux rappeurs anglais ouvrent ce mois de juin de la meilleure des manières avec quatre morceaux dévastateurs, à l’image du single Sprinter, énorme carton au groove savant et aux guitares bien senties. De l’autre côté de l’Atlantique, Killer Mike, moitié de Run The Jewels, sort MICHAEL, un sixième album solo bluffant prévu pour le 16 juin, où résonne ostensiblement le thème du racisme, notamment sur le morceau d’ouverture Down by Law, et convoque des artistes de renom tels que Cee Lo Green, No I.D., Young Thug, 6LACK ou Future. C’est à ne pas manquer.

En France, les anciens et les modernes se croisent avec un point commun : la qualité. La Rumeur d’abord, groupe phare et radical des années 2000, revient avec l’album Comment rester propre ?, entièrement produit par le beatmaker f.a.s.. Le groupe y explore, toujours aussi frontalement, les souvenirs d’enfance, les mises en perspective historiques, et leurs parcours respectifs faits d’embûches et de détermination, notamment sur l’excellent titre Ne Faisons pas comme si on avait 20 ans.

Savoir-faire encore avec le nouvel album d’Aketo, Une Petite Vie sans histoires, paru le 2 juin, axé sur le temps qui passe inexorablement, sur l’âge, les sentiments pathétiques, toujours affublé de cette menace vocale qu’on lui connaît. Enfin, le jeune Malo sort iD, officiellement une mixtape, mais qui pourrait tout à fait faire office de premier album tant les différents sous-genres sont maîtrisés avec une profondeur d’écriture irrésistible.

ROCK/METAL (Maxime Archambaud)

On commence très fort dès le 2 avec Life Is but a Dream nouvelle perle signée Avenged Sevenfold (quelque part entre Mr Bungle, Daft Punk et Stevie Wonder), le DARKFIGHTER des Rival Sons, ou encore But Here We Are des Foo Fighters, hommage vibrant à Taylor Hawkins. Extreme fera enfin son retour le 9 juin avec l’halluciné Six. En 2007, Motörhead donnait un show légendaire à Montreux qui sera disponible dès le 16 juin. Le 23 juin sera l’occasion pour Power Trip de ressortir l’indéboulonnable Live in Seattle, tandis qu’Ayron Jones revient avec son excellentissime nouvel album Chronicles of the Kid pour clore le mois avec classe.