La discographie du compositeur finlandais Jean Sibelius (1865-1957) est d’une grande richesse, et surtout d’une exceptionnelle qualité et diversité. Qobuz vous en propose un tour d’horizon en mettant l’accent sur 10 moments particulièrement significatifs.

L'œuvre de Sibelius demeure l'une des plus mystérieuses et envoûtantes du début du XXe siècle, une musique d'une incroyable puissance sensuelle, au-delà de ses couleurs apparemment froides. Entrer dans cet univers demande une certaine persévérance ; s’y dévoile une forme de brutalité dans l’énoncé des idées, reflet en réalité d’une intelligence supérieure, coulée dans un sens de la concentration maximal. L'univers de Sibelius, qui a tant apporté à tout un courant stylistique de la fin du XXe siècle, à commencer par les répétitifs Nord-Américains, a le génie de concilier un don d’invention mélodique totalement inconnu de ses contemporains (Kullervo, thème final de la 5e Symphonie), et une idée tout à fait personnelle de la matière orchestrale (et surtout de son évolution dans le temps musical). S’y ajoute aussi une conscience particulièrement aiguë de l’espace acoustique. Le son y est saisi jusque dans sa dernière résonance.

Figure nationale en Finlande, Sibelius fut très tôt célébré en Angleterre, pays qui a tout de suite saisi le caractère particulier de cet univers, à la différence de l'Europe continentale, qui l’a toujours considéré comme un romantique attardé. Les mélomanes découvrirent le compositeur principalement par l'enregistrement, et la discographie officielle des œuvres de Sibelius est sans conteste l'une des plus denses. Même Debussy, Ravel, Mahler, Bartók ou Schönberg ne peuvent se vanter d'une aussi constante et exceptionnelle qualité d’interprétation au fil des décennies.

Un fondement

1930, au printemps. Le chef d’orchestre finlandais Robert Kajanus, fondateur de l’Orchestre philharmonique d’Helsinki et proche ami de Sibelius et du peintre Akseli Gallen-Kallela, est à Londres. Sous l’impulsion de la Columbia britannique, il débute l’enregistrement des œuvres principales de son compatriote, avec le London Symphony Orchestra. Entre mai et juin, il grave les deux premières symphonies. Il poursuivra deux années plus tard (juin 1932), avec principalement les Symphonies n° 3 & 5, Tapiola, et La Fille de Pohjola. Sa mort le 6 juillet 1933 l’empêchera de poursuivre cette exploration sibélienne. C’est Georg Schneevoigt qui complétera finalement l’aventure en Finlande, avec l’enregistrement de la Symphonie n° 6. Leopold Stokowski avait gravé en 1932 la 4e à Philadelphie, et HMV publiera un concert célèbre de Koussevitzky dans la 7e avec l’Orchestre symphonique de la BBC en 1933, complétant ainsi une première intégrale complète des Symphonies du Finlandais. Plus encore que celles de ses collègues pionniers précités, les gravures de Kajanus nous plongent au cœur d’un monde sonore d’une formidable pugnacité rythmique, qui n’affadit jamais la puissance narrative des œuvres et le génie des atmosphères propre à Sibelius. Les interprètes « américains » de Sibelius, d’Ormandy à Bernstein en passant par Maazel, rappelleront longtemps le geste pionnier de Kajanus.

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