Définitivement un des groupes à suivre dans le metal, Avatar gagne en maturité avec chaque album. Après le plus carré « Hunter Gatherer » en 2020, les Suédois lâchent la bride avec ce « Dance Devil Dance », dont nous parle Johannes Eckerströmn, le chanteur du quintet.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez entendu le résultat final de Dance Devil Dance pour la première fois ?

J’en suis sorti avec la conviction que nous tenions notre meilleur album. Je sais que tous les artistes disent ça, mais c’est simplement la manière dont je le ressens. Par rapport à nos précédents travaux, c’est un album très spirituel. Il résume très bien où j’en suis actuellement. Maintenant, il est entre les mains des fans, ce sont eux qui jugeront.

On dirait que vous êtes très investi émotionnellement dans ce disque.

Dance Devil Dance catalyse beaucoup de choses liées à mon évolution personnelle durant ces derniers mois et années. C’est vraiment spécial mais c’est aussi un véritable enfer à expliquer pour moi. Disons que, durant la pandémie, j’ai pu prendre du temps pour moi, et l’une des choses que j’aime faire, c’est courir. J’ai couru, loin, très loin. Et lorsque vous vous challengez ainsi, avec de la musique à fond dans les oreilles, vous finissez par être un peu « défoncé », si je peux me permettre. C’est une rencontre avec vous-même, peu importe que vous vous y attendiez ou non. Et personnellement, lorsque c’est arrivé, je me suis rendu compte d’une chose toute simple : je suis Satan.

C’est ce que vous chantez dans la chanson Dance Devil Dance : « Je suis Satan, je suis la liberté, mon nom doit rester caché je suis strictement interdit. »

Exact. Après, je sais que nous n’avons pas six mois devant nous pour parler de tous les tenants et les aboutissants du chemin spirituel qui m’amène tel que je suis devant vous aujourd’hui en déclarant que je suis Satan alors que j’étais athée il y a encore quelques années de cela. Cependant, je suis incapable de dissocier ce cheminement très personnel et l’identité de ce nouvel album d’Avatar. Ils partagent une certaine énergie.

C’est important d’apporter un peu d’éclairage, parce que l’idée pourrait être mal comprise.

Cela risque de prendre beaucoup de temps pour développer cette pensée en détail et de comparer les visions de chacun ! (Rire.) C’est une combinaison de différentes choses, le sentiment de pouvoir s’émanciper tout en ayant conscience de n’être qu’un parmi tant d’autres, mais aussi apprendre à être le centre de son propre univers. Savoir être le meilleur pour soi, finalement.


Si cette musique est violente, c’est qu’il y a une raison.


Dans Valley of Disease, vous dites « I am projectile vomit / You’re the recipient » (« Je suis du vomi et vous le récipient »). Quelle violence dans cette phrase !

Je vais vous dire : il devrait y avoir bien plus de phrases de ce genre dans le metal ! Je trouve qu’on protège un peu trop les auditeurs et, ce faisant, nous les aveuglons. J’écoute énormément de metal, mais très souvent, ça reste plat en mode : « I’m all alone with my shadow, in the shadow I’m all alone. Is this in my shadow that I’m all alone ? » (Rire.) Si cette musique est violente, c’est qu’il y a une raison. Si, pour qu’une phrase sonne bien, je dois être virulent, ainsi soit-il. Donc quand je dis que je suis du vomi et vous le récipient, ça signifie qu’on se ressemble finalement. Ces paroles représentent un face-à-face avec soi, celui durant lequel on constate le mal que l’on fait autour de nous, et au monde.

La chanson Chimp Mosh Pit parle un peu de cela aussi, non ?

Chimp Mosh Pit parle de ce rapport entre les animaux et l’humanité, de ce refus de voir que nous sommes identiques. C’est ce refus qui amène certains à avoir de mauvais comportements envers les animaux, mais aussi envers nous-mêmes. Personnellement j’assume, je suis un putain de singe. Je me sers de ma colère pour faire une chanson fun. Je trouve que c’est vraiment cool de faire une chanson sur ce thème, et qui sonne un peu comme du rock des années 90. Elle flirte avec un milliard d’influences de cette époque. Bon, ça ne sonne pas vraiment comme du Oasis, mais je trouve que cette étiquette un peu grunge lui va très bien. On a juste remplacé la coke par un peu de testostérone. (Rire.)

On en revient souvent aux singes avec vous. Déjà, sur l’album Hunter Gatherer, on trouvait Silent in the Age of Apes.

J’adore les singes, je le reconnais ! Nous sommes tous végans dans le groupe, et nous sommes plus qu’enclins à reconnaître ce que nous avons en commun avec nos amis primates. Les deux chansons que vous citez ont aussi beaucoup à voir avec La Planète des singes et de manière générale avec la nature. J’aime énormément les oiseaux aussi ! (Rire.)

Avatar

On les entend au début d’On the Beach sur l’album. Il y a un sentiment de fin du monde sur ce titre.

L’inspiration vient du livre du même nom de Nevil Shute qui raconte l’histoire d’un groupe de gens qui attendent des retombées radioactives mortelles en Australie, alors que le reste du monde est mort après une guerre nucléaire. Certains boivent, d’autres se marient, d’autres encore sombrent dans une décadence sans pareille. Ensuite, c’est l’aspect religieux qui prend le dessus. Nous sommes les spectateurs de la fin du monde, ce livre est là pour nous le rappeler.

Avec le recul, votre carrière a pris une autre dimension en 2013 lors de la tournée en commun avec Avenged Sevenfold et Five Finger Death Punch. Êtes-vous d’accord ?

Totalement. Surtout en ce qui concerne cette partie de l’Europe, France, Royaume-Uni ou Pays-Bas. C’était une période intéressante car nous grossissions en Finlande, sans être énormes, et surtout, c’était une période d’apprentissage pour nous. Quelque chose a changé dans la manière dont on envisageait la performance. Nos concerts, notre set-list, nos automatismes… Je me souviens particulièrement d’une date à Munich sur cette tournée durant laquelle j’ai vraiment ressenti qu’il se passait quelque chose. Ensuite, la dynamique s’est propagée dans la plupart de l’Europe de l’Ouest. C’était définitivement un moment charnière.

Vous voulez dire qu’Avatar est vraiment devenu Avatar à cette période ?

Disons que les rôles de chacun ont vraiment été définis durant cette tournée. Après, on y voyait beaucoup plus clair. D’ailleurs, on a gardé les mêmes méthodes de travail depuis. Une tournée de quelques dates en 2013 nous influence encore dix ans après. Je trouve ça dingue. Mais rien n’arrive par accident, n’est-ce pas ?

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