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Juliette Gréco

Des mythiques cabarets "Le Tabou" et "La Rose Rouge" de l'âge d'or de Saint-Germain-des-Prés aux plus grandes scènes internationales, en passant par Bobino et le Théâtre de la Ville, Juliette Gréco promène depuis près de soixante ans sa longue silhouette noire au service de la grande et meilleure Chanson Française et, méritant d'être ici souligné, sans la moindre concession commerciale. Son écrasante personnalité, sa voix magique où caresse et ironie s'harmonisent, l'intelligence de son interprétation mise en relief par des mains particulièrement expressives, lui permirent d'imposer à un large public un répertoire d'une rare qualité artistique. Parmi ses auteurs de prédilection, on relève les noms de Jacques Prévert, Georges Brassens, Léo Ferré et Charles Trenet côtoyant ceux de Jacques Brel, Françoise Sagan, Serge Gainsbourg, Guy Béart et même François Mauriac et Jean-Paul Sartre.

C'est le 7 février 1927 à Montpellier que naît Juliette Gréco, d'un père corse appartenant à la Sûreté Générale et d'une mère artiste peintre désireuse de tenter sa chance à Paris. Juliette et Charlotte, sa sour aînée, sont confiées à leurs grands parents maternels en Dordogne et à Bordeaux, à la suite du divorce de leurs parents. Rêvant déjà de Paris, en 1943 en pleine période d'occupation elles rejoignent ensemble la capitale. Madame Gréco mère, restée en Dordogne et particulièrement active dans la Résistance, est arrêtée ; ses deux filles Juliette et Charlotte le seront aussi place de la Madeleine. Libérée après trois semaines de prison à Fresnes, Juliette déjà passionnée de théâtre et aidée par une amie de sa mère, suit les cours de Madame Dussane et de Pierre Dux. Pour survivre, elle fait de la figuration au théâtre, notamment dans Le soulier de satin de Paul Claudel où elle est l'une des trente vagues se roulant sur les planches du Théâtre Français. À la Libération, après avoir retrouvé miraculeusement à l'Hôtel Lutetia sa mère et sa soeur parmi les déportées de retour de captivité, elle obtient un rôle, celui d'une trentenaire alors qu'elle n'a que 19 ans, dans Victor ou les enfants au pouvoir de Roger Vitrac, dans une mise en scène de Michel de Ré.

C'est à cette époque que Juliette Gréco commence à fréquenter les cafés du quartier de Saint-Germain-des-Prés, "Le Méphisto" et "Le Bar Vert" tout d'abord, avant de découvrir "Le Tabou" rue Dauphine où Boris Vian joue de la trompette, ou plus exactement de la "trompinette". Devenu rapidement un club privé, "Le Tabou" accueille souvent dans sa cave Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Jean Cocteau, Roger Vadim. Une profonde amitié lie alors Juliette Gréco et Anne-Marie Cazalis qui immédiatement, ainsi que leurs amis, sont baptisés "existentialistes" par toute une presse et en particulier par les journalistes de "Samedi-Soir" et de "Dimanche-Soir".

Cheveux longs, entièrement vêtue de noir, jouant d'allures canailles et d'une certaine autorité, Juliette Gréco va jour après jour imposer sa silhouette et son personnage jusqu'à devenir "La muse de Saint-Germain-des-Prés". À l'époque du Tabou (nous sommes en 1947), Juliette Gréco ne chante pas encore ; il faudra attendre 1949 pour que Marc Doelnitz, voulant rouvrir le cabaret "Le Boeuf sur le toit", la persuade de se composer un petit répertoire de chansons choisies avec la plus grande rigueur. Son amie Anne-Marie Cazalis la présente à Jean-Paul Sartre qui lui offre "La rue des Blancs Manteaux", une chanson qu'il a écrite et mise en musique par Joseph Kosma pour sa pièce Huis clos.

C'est Raymond Queneau qui lui présente le texte de Si tu t'imagines sur lequel le même Joseph Kosma va écrire une musique parfaitement adaptée. Avec ces deux chansons, ainsi que La fourmi (texte de Robert Desnos), accompagnée au piano par Jean Wiener, Juliette Gréco débute sa carrière de chanteuse sur la petite scène du "Boeuf sur le toit". Malgré ce premier succès remporté, elle quitte le cabaret et après un voyage dans le Midi, elle regagne Paris pour se produire à "La Rose Rouge", le plus célèbre cabaret de la Rive Gauche dirigé par Niko Papatakis.

Jacques Douai, les Frères Jacques, Nicole Louvier et beaucoup d'autres encore firent aussi les beaux soirs de cet établissement devenu légendaire aujourd'hui. À "La Rose Rouge", haut lieu de la chanson de qualité, Juliette Gréco est déjà accompagnée au piano par Henri Patterson qui longtemps sera le complice de toutes ses prestations scéniques.

Bien évidemment, la silhouette aux formes sculpturales et l'étrange personnalité de Juliette Gréco, sans parler de ses dons naturels pour le théâtre et de la séduction de sa voix, ne vont pas laisser indifférents les cinéastes. C'est ainsi qu'elle incarne brièvement une religieuse dans le film de Louis Daquin Les Frères Bouquinquant (1947) avec Madeleine Robinson, Albert Préjean et Roger Pigaut. Sa participation sera aussi discrète parmi les filles de la maison de redressement du film Au royaume des cieux (1949) de Julien Duvivier. Mais la même année, Jean Cocteau lui confie un rôle beaucoup plus important dans Orphée au côté de Jean Marais, Maria Casarès, Marie Déa et François Périer. En 1950, le temps d'une chanson, La fiancée du prestidigitateur malheureusement tronquée par d'inutiles bavardages, on l'aperçoit dans son propre personnage dans Sans laisser d'adresse de Jean-Paul Le Chanois, avec Danièle Delorme et Bernard Blier.

En 1951, après un premier 78 tours paru l'année précédente sous l'étiquette Columbia et dont deux chansons sont présentées sur ce CD, Juliette Gréco sous la direction artistique de Jacques Canetti, signe avec les disques Philips un contrat d'exclusivité qui ne se terminera qu'en 1971. En effet, la prestigieuse société inaugure son premier catalogue de 78 tours de l'été 1951 avec deux disques de Juliette Gréco débutant la série des numéros 72.000 et comprenant Amours perdues, La belle vie, Sous le ciel de Paris et Embrasse-moi, accompagnée par André Grassi et son orchestre. Avec le même soutien musical, on la retrouve dans le catalogue Philips de novembre 1951, avec Je hais les dimanches, Il y avait, Les feuilles mortes. En 1951 aussi, dans le film franco-américain Le gantelet vert de Rudolph Maté, sorti en 1952, avec Glenn Ford et Géraldine Brooks, Juliette Gréco dans le rôle d'une chanteuse interprète L'amour est parti et surtout Romance, une superbe chanson dont Joseph Kosma a encore signé la musique sur des paroles d'Henri Bassis, et avec laquelle elle remporte le Grand Prix du Disque en 1952.

L'année suivante, Jean-Pierre Melville lui offre le premier rôle de son film Quand tu liras cette lettre, un mélodrame réaliste dans lequel son partenaire est Philippe Lemaire qu'elle épouse le 25 juin 1953 à la mairie du huitième arrondissement. De cette union va naître une fille, Laurence-Marie, avant le divorce du couple en 1956. À cette période, les activités de Juliette Gréco sont alors des plus multiples ; on peut l'applaudir au théâtre dans Anastasia dans une mise en scène de Jean Le Poulain, à l'Olympia en 1954 où elle présente son tour de chant ainsi qu'à La Villa d'Este et même jusqu'à New York. Elle retrouve les plateaux de cinéma tout d'abord dans deux longs métrages prétextes à présenter les vedettes de la chanson de l'époque : très furtivement dans La route du bonheur et plus longuement dans Boum sur Paris (1953). Tourné en 1955 et sorti en 1956, Elena et les hommes réalisé par Jean Renoir, nous la présente en Miarka la gitane, entourée d'une distribution éclatante dont Jean Marais, Ingrid Bergman, Mel Ferrer, Magali Noël .

Après quelques films tournés en France : La châtelaine du Liban (1956) de Richard Pottier avec Jean-Claude Pascal, L'homme et l'enfant (1956) de Raoul André, avec Eddie Constantine ou encore C'est arrivé à 36 chandelles (1957), Juliette Gréco, qui partage sa vie avec celle du producteur Darryl Zanuck, débute une carrière cinématographique américaine. (...)

Insatisfaite des ambitions commerciales de Darryl Zanuck à son sujet, Juliette Gréco décide de rompre avec Hollywood et de rentrer en France pour se consacrer essentiellement à la chanson, ses premières amours. Dans son inséparable robe noire, au printemps 1961, elle retrouve son cher public parisien qui ne l'a pas oubliée sur la scène de Bobino où elle triomphe avec ses premières créations et de nouvelles chansons toujours signées de ses auteurs et compositeurs préférés : Léo Ferré, Guy Béart, Georges Brassens, Bernard Dimey, Jean Dréjac. avant d'embarquer pour une tournée en Amérique du Sud. Un film noir est encore tourné en 1961 dans le cadre du Mont Saint-Michel ; il s'agit de Maléfices d'Henri Decoin, avec Jean-Marc Bory et Liselotte Pulver. En 1965, Juliette Greco conforte sa notoriété auprès du grand public avec le célèbre feuilleton télévisé en noir et blanc de Claude Barma Belphégor.

L'année suivante, elle triomphe dans un récital présenté dans l'immense salle du Berliner Philharmoniker, en ajoutant quelques grands classiques de la chanson française à son répertoire habituel et toujours accompagnée par ses fidèles et talentueux musiciens : Henri Patterson au piano, Jacques Liébrard à la guitare, Noël Moralès à l'accordéon et Marcel Dutrieux à la contrebasse. Un magnifique 33 tours paru à l'époque chez Philips nous restitue heureusement les instants magiques de ce récital. Toujours en 1966, Juliette Gréco se produit à l'Olympia et, partageant le programme avec Georges Brassens, captive un large public sur la scène du T.N.P au Palais de Chaillot. Elle termine l'année 1966 en épousant le 12 décembre le comédien Michel Piccoli.

Plus tard encore, en 1968, ses fidèles admirateurs auxquels j'appartiens depuis toujours, viennent l'applaudir au Théâtre de la Ville. Il est impossible d'évoquer ici la suite de l'étonnante et prolifique carrière de Juliette Gréco. Côté cinéma, citons toutefois chronologiquement : La case de l'Oncle Tom (1965), La nuit des généraux (1967), plus tard encore Le Far-West (1973) de Jacques Brel et Lily, aime-moi (1974) où, en clin d'oeil, elle renoue non sans humour avec l'existentialisme. Mais le cinéma ne la passionnant vraiment plus, c'est exclusivement à la chanson qu'elle va consacrer toute la fin de son prestigieux parcours. De nombreuses années encore, avec le talent et la rigueur que l'on sait, elle va servir ses fidèles auteurs et compositeurs dans de merveilleuses interprétations réunies sur différents albums parus chez Barclay, R.C.A et Meys puis Universal.

Avec Madame Gréco, la chanson n'est certainement pas un Art mineur.


D'après Dany Lallemand © Marianne Mélodie (DR)

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