Bataille juridique entre l’ancien secrétaire du Fou chantant et la société à laquelle il a cédé ses droits. Ancien secrétaire qui se retrouve pour sa part attaqué par la demi-sœur et un neveu du chanteur pour obtenir l'annulation du testament ! La chanson L'Héritage infernal deviendrait-elle… réalité ?

L'Héritage infernal. Ce n'est pas la chanson la plus connue de Charles Trenet, comme le soulignent Geoffroy Tomasovitch et François Vignolle dans l’édition du 27 juin du Parisien, mais son titre illustre la sévère bataille judiciaire autour de la succession du légendaire artiste, décédé le 19 février 2001. Par un testament du 28 décembre 1999, le Fou chantant a fait de son secrétaire particulier, Georges El Assidi, son légataire universel.

Cet homme de 47 ans se dit spolié par une société danoise à laquelle il a cédé ses droits et son patrimoine. Il l'assigne aujourd'hui devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. El Assidi a par ailleurs porté plainte pour « abus de confiance » et une enquête préliminaire est en cours à Paris.

Plaignant d'un côté, El Assidi se retrouve dans le collimateur d'une partie de la famille Trenet, de l'autre. Selon les informations du Parisien, la demi-sœur et un neveu du chanteur l'attaquent au civil à Créteil pour obtenir l'annulation du testament.

Malgré leur différence d'âge, Charles Trenet et Georges El Assidi ont fait un long bout de chemin ensemble. « M. El Assidi a été son secrétaire personnel pendant plus de vingt ans, précise son avocate, Maître Hélène Bureau-Merlet. Leurs liens sont devenus quasi filiaux. D'ailleurs, c'est fou comme Georges lui ressemble. Il a les mêmes manies, le même humour... » À la mort de l'interprète de Douce France, Georges El Assidi hérite de sa fortune.

Il reçoit une partie des royalties du très riche répertoire de Trenet, 700 000 € par an au bas mot. Une chanson comme La Mer est en effet diffusée en moyenne douze fois par jour dans le monde. En France, c'est le titre le plus écouté après My Way... Côté immobilier, El Assidi hérite de la propriété d'Antibes où se trouvent les nombreux tableaux peints par Trenet, mais aussi son piano, ses correspondances, ses partitions... En un mot, les précieux « bibelots » du chanteur. La villa d'Aix et son domaine de six hectares où l'artiste donnait de grandes fêtes tombent également dans son escarcelle.

Georges devient donc riche, poursuit Le Parisien. Mais c'est un épicurien. Il sort beaucoup, achète des voitures, l'argent file. En 2006, un conseiller fiscal, Maurice K., lui propose de céder ses droits à une société de droit danois, Nest. « On lui a fait miroiter une gestion plus efficace, avantageuse au plan fiscal, mais aussi pour développer les droits du répertoire de Trenet et faire revivre sa mémoire via un projet de musée », résume Maître Bureau-Merlet, avocat d'El Assidi.

L'ex-secrétaire particulier et Nest signent un contrat en juillet 2006, précisent Geoffroy Tomasovitch et François Vignolle du Parisien. L'héritier cède les propriétés d'Aix et d'Antibes avec leurs « bibelots », en échange de sommes argent, mais il cède aussi l'intégralité de ses droits d'auteurs en contrepartie d'1,5 million d'euros. Le torchon a vite brûlé entre les deux contractants. « Aucun argent n'a été versé à mon client qui a rapidement dénoncé ces droits de cession », affirme Maître Bureau-Merlet. Georges El Assidi a récupéré ses villas en démontrant la caducité du contrat, mais il se plaint qu'Antibes soit squattée. Maurice K. y a même été interpellé le 17 mai dernier. Quant aux 700 000 € annuels, ils ont été placés sous séquestre. À qui reviennent-ils ? El Assidi a assigné Nest pour faire annuler ce contrat sur les droits d'auteurs. Le Tribunal de Grande Instance de Paris examine ce litige aujourd'hui.

« Nest n'a évidemment jamais spolié M. El Assidi », affirme Maître Philippe Eschasseriaux, conseil de la société danoise qui soulèvera l'incompétence du tribunal dans ce contentieux. L'avocat, qui réserve ses arguments pour l'audience, suit d'un œil très intéressé la procédure engagée contre l'ex-secrétaire par la demi-sœur et le neveu de Charles Trenet.

En attendant, savourons les paroles de cet Héritage infernal écrit en 1943 :

Il y eut un héritage

Dans la rue des Trois-Mages

Un vieux marchand de fromage

Etait mort sans enfant

Ses voisins, ses voisines

Ses cousins, ses cousines

Au fond d'une cuisine

Se partageaient gaiement

Refrain:

La table de son père

La montre de son frère

Le fauteuil de sa mère

La pendule à coucou

Une paire de bretelles

Une bouteille d'Eau de Vittel

Et une coiffe en dentelle

Qu'il se mettait au cou.

Il arriva de Chine

Sur une vieille machine

Un homme courbant l'échine

Et qui leur dit : "Messieurs

Ne dites pas qui est-ce ?

Je suis le cousin de la nièce

De l'homme qu'on met en pièces

Et pour cela je veux

au Refrain

Il arriva de Prague

Un personnage très vague

Qui portait une bague

Et qui leur dit : "Messieurs

Ma grand-mère volage

Fauta dans son jeune âge

Avec le marchand de fromage

Et c'est pour ça que je veux

au Refrain

Ce fut le diable à quatre,

Les hommes voulurent se battre

Les femmes devant l'âtre

Appelaient Police-Secours

Commencement d'incendie

Et presque épidémie

Collective folie

Et tout ça, tout ça pour

Une pendule en dentelle

Une coiffe d'Eau de Vittel

Un fauteuil à bretelles

Une table à coucou

Histoire lamentable

De fauteuils et de tables

Qu'une voisine détestable

Vint raconter chez nous

Histoire lamentable

De fauteuils et de tables

Qu'un voisin détestable

Vint raconter chez nous.