Dans une discographie à rallonge, ce recueil enregistré en solitaire au Brésil offre la meilleure facette du pianiste solaire.

Un disque de plus, pour Keith Jarrett, dans une discographie déjà pléthorique, dont on a du mal, parfois, à saisir la nécessité de tant de parutions. Mais un disque pas comme les autres, qui mérite qu’on s’y arrête vraiment. Non pas parce qu’il a été capté à Rio de Janeiro, dans une ville peu habituée à recevoir le pianiste, ni même au Brésil (à vrai dire, et à l’encontre des propos rapportés de Jarrett, on a du mal à sentir l’influence du lieu), mais parce qu’on y retrouve (enfin ! diront certains) le musicien qui a converti les foules au piano solo. Point d’abstraction hermétique dans ce récital, ni d’échappée à corps perdu dans des improvisations dont le fil finit par se perdre. Tout le contraire ! Keith Jarrett privilégie la forme concise, la lisibilité mélodique, les respirations, enchaînant sans urgence quinze séquences improvisées qui pourraient être écrites tant elles semblent des compositions achevées. Tout ce qui a fait son succès est comme concentré, ramassé, sans pour autant donner l’impression d’un étalage de savoir-faire. C’est la consécration des talents exceptionnels du pianiste, qui possède, dans le temps vertigineux de l’improvisation, une clairvoyance quasiment sans égale parmi ses pairs. Donnant le sentiment que, quelle que soit la direction vers laquelle il tend, il ne s’égare jamais, il débouche toujours sur des perspectives nouvelles, amenant au regard des îlots de musique qui sont comme des chefs-d’œuvre tirés de l’obscurité et qui valent bien d’être immortalisés dans un album tel que celui-ci.