Le 12 mai, Qobuz était au Nouveau Casino lors du concert des 2 MC’s, pour le lancement de leur premier album éponyme. Verdict.

Pour le lancement de leur premier album, Milk Coffee & Sugar, les deux rappeurs ont sorti le grand jeu. Des masques africains plantent le décor. L’affiche grand-format du groupe vient également orner la scène. Après quelques sons hip hop, les musiciens arrivent et s’installent sur le plateau. Ils ont des allures de Blues Brothers dans leur complet chemise blanche-cravate-noire. L’ambiance est posée. Tamisée, feutrée.

Gaël et Edgar aka Milk Coffee & Sugar se cachent derrière deux masques africains sur pieds. Hiératiques, ils patientent au rythme de l’intro lunaire au socle hip hop lancée par le claviériste et le batteur. Après une minute d’instru, les deux MC’s accourent vers leur mic’. Ils peuvent désormais lâcher leur poussière d’étoile, il est l’heure de Rise Up ! Le son est bon au Nouveau Casino.

Tels des Omar et Fred du flow, la complicité est palpable et le rythme palpitant. Gaël et Edgar allias Suga invitent le public à s’élever en suivant leur consigne : «Tout le monde est Rise Up ! »… A peine cinq minutes de performance que l’on assiste à un véritable show. Ca jump dans la foule d’ores et déjà conquise par cette mise en jambe épileptique.

« On voudrait remercier toutes les personnes qui ne nous ont pas aidées, parce que selon elles on avait pas la gueule de gondole », dixit Suga en parfait raccord avec le morceau qui suit, un titre inédit. Après la tête de chou d’un certain parolier, la gueule de métèque d’un rappeur enragé, place à la Gueule de gondole des slameurs.

Sur fond de nappes de clavier cristallines, Suga scande avec engouement « elle est là ma gueule, elle est moche », tandis que Gaël pointe du doigt le masque africain. Discours conscient, mais nuancé et distancié, évitant de sombrer dans la victimisation. Au contraire, les deux MC’s au son corsé, à l’égal d’un Gainsbourg ou d’un Joey Starr, prennent plutôt le parti de l’autodérision…

Il est maintenant temps que le Nouveau Casino vive ! Une ambiance décomplexée voire cathartique s’installe petit à petit à mesure qu’une instrumentalisation jazzy est portée par un claviériste mutli-instrumentaliste, à la trompette cette fois, et un batteur aux mailloches. Le son est nocturne, la voix d’Edgar, granuleuse. Tout le monde chante à l’unisson sur le refrain relevé de Je vis. C’est ensuite du pur slam qui officie au moment du sacro-saint Alien, qui prend toute son ampleur dans la salle envoûtée… Le tandem nous demande de Croire en nous. Et c’est un duo contrasté qui chante avec une élégante hargne, avant de conclure son morceau par le mot poésie, sonnant le glas d’une atmosphère prosodique.

L’heure est au Big bang sonore. Le public se scinde en deux, et à tour de rôle ponctue le morceau à coup de « bing »/« bang » syncopé. Ca swingue. Gaël s’affaire au beatboxing pour soutenir le clavier pendant que Suga débite ses rimes. Du vrai hip hop. L’ambiance est surchauffée et va « exploser ». On assiste certainement au moment le plus épique du set, balancé avec conviction. Alors que le public extatique fait monter la sauce en se prêtant très facilement au jeu des lyrics backées.

Maintenant que le climat enflammé est à son paroxysme, les musiciens font péter un son lourd, avec des frappes de batterie surexcitées pour accueillir le collectif de slam des MC’s. Ils sont cinq sur la scène à lancer des Parce que. Telle une jam session, les musiciens sont littéralement libérés. Entouré des artistes, dansant et claquant des mains, le trompettiste se place au centre de la scène pour un solo acméiste. La fièvre est bel et bien installée au Nouveau Casino.

Une dédicace à tous les Rwandais s’impose ensuite avec Hope Anthem. Et l’arrivée de trois danseurs vient marquer le coup. L’ambiance a pris une autre tournure. Après l’intimisme de la première partie, place au soleil. D’ailleurs nos deux rappeurs ont enfilé un t-shirt aux tons vifs comme pour donner la couleur. S’ensuivent A la ma illuminant le flow du rappeur Suga sur fond de balais jazz, et Rest avec, celui de Gaël…

On applaudit la venue de Ange Fandoh, qui lance Un peu de musique teintée de soul. Comme une petite famille sur scène, tout le monde s’embrasse à la fin du morceau. Mais avec Beat Assaillant surtout, la température grimpe. Le rappeur américain à l’univers crossover entre hip hop, jazz et sonorités afro, balance avec générosité son flow musclé de la scène underground américaine, comme si c’était la Première fois.

« Y’a un nuage de cendre dans l’air, Allumez les briquets ! » ! Parfaite transition dictée par Suga dans la pénombre et la lueur des I-Phone… Retour à l’ambiance coconneuse. En fin de set, on nous explique le concept. « Laissez-moi vous conter l’histoire de Milk Coffee and Sugar ». La « serveuse » Maire M nous raconte avec sa voix suave la recette du café des MC’s sur Café Zèbre. Et c’était plutôt bien joué de conclure le live par ce morceau là, à l’univers humide d’une « saison tropicale » de la Novelle Orléans… Finalement, après trois rappels à la hauteur de l’intégralité du concert, la performance de Milk Coffee & Sugar s’est bue avec délectation…