Le Festival International George Enescu s’est tenu à Bucarest tous les deux ans ou presque depuis 1958. À sa dix-neuvième édition, il m’a été donné d’assister du 2 au 6 septembre de cette année 2009 en tant que membre d’une délégation de l’association P.M.I. (Presse Musicale Internationale). Cette dix-neuvième édition s’est déroulée du 30 août au 20 septembre : cent soixante-quinze concerts, deux cent quatre-vingts exécutions musicales, budget de plus de six millions d’euros. Trois semaines qui ont fait de Bucarest une des capitales de l’Europe musicale. Selon Ion Hollender, son directeur, le Festival George Enescu est devenu l’un des plus importants événements musicaux du sud-est européen, avec les plus grands orchestres et les meilleurs interprètes au service du répertoire classique et d’aujourd’hui. Comme chaque fois, les interprètes français ont été invités en grand nombre, d’Hélène Grimaud et du Quatuor Fauré à Cédric Tiberghien et à l’Orchestre Philharmonique de Radio France en passant par Les Arts Florissants et par Marc Minkowski et Les Musiciens du Louvre, ces derniers dans La Création de Haydn avec le Chœur Bach de Salzbourg (16 septembre).

Le coup d’envoi du Festival a été donné par l’opéra Œdipe d’Enesco — coproduction de l’Opéra National de Bucarest et du Théâtre du Capitole de Toulouse — dans la sobre mise en scène de Nicolas Joël. Le directeur de l’Opéra de Bucarest, Catalin Ionescu, s’est félicité dans une conférence de presse de cette collaboration, considérée comme un honneur. Nous avons assisté à la deuxième représentation (2 septembre), où, dans le cadre d’une distribution exclusivement roumaine, le rôle-titre était tenu par le célèbre baryton Stefan Ignat. Au pupitre, Oleg Caetani, qui lui aussi obtint un triomphe. Ouvrage majeur créé à Paris en 1936 (en Roumanie en 1958 seulement), Œdipe évoque la totalité de l’existence du héros, et se réfère à la tragédie antique par le traitement du chœur, commentateur de l’action : splendide, chauffé à blanc par son chef Stelian Olariu, le chœur de l’Opéra de Bucarest s’est révélé à la hauteur de sa tâche difficile. Toujours dans le domaine de l’opéra, le 6 septembre, Otello de Verdi est apparu nettement moins enthousiasmant, malgré la vaillance et la prestance du Iago d’Alberto Cazale.

La musique roumaine contemporaine était à l’honneur, avec notamment le concert (3 septembre) de l’excellente Philharmonie « Transylvania » de Cluj. Au programme, le Concerto pour orchestre à cordes de Sigismund Toduta, Par ce fil d’or pour ténor, baryton et orchestre de Mihai Mitrea Celerianu, en partie sur des textes récités en langue originale de Goethe et de Dante, le Concerto pour saxophone et orchestre de Calin Ioachinescu, joué par l’extraordinaire Daniel Kientzy, et le déconcertant Concerto « Trinity » pour violon et orchestre de Theodor Grigoriu. Dans un passionnant récital essentiellement consacré à ce qu’à tort ou à raison on appelle encore parfois l’avant-garde (mieux vaut parler de « Classiques du dernier XXe siècle »), le pianiste suédois Fredrik Ullen a interprété le fascinant Klavierstück IX de Stockhausen, des Etudes de Ligeti, Cantéyodjayà de Messiaen, la Sonate n°3 de Scriabine et Evryali de Xenakis, avant de terminer par la Sonate n°3 opus 24 d’Enesco. Le répertoire « traditionnel » a, quant à lui, reçu son dû avec le duo formé par Cédric Tiberghien et la jeune violoncelliste belge Marie Hallynx (Debussy, Enesco, Britten) ainsi qu’avec une magnifique exécution des Vêpres de Rachmaninov par les Chœurs Académiques de la Radio de Bucarest, menés avec ferveur et élan par leur chef Dan Mihai Goia.