Suffit-il d’arborer un nom ronflant pour être supérieur au CD d’origine ?

Lors de notre

Nous terminions ainsi le sujet :

" A l'écoute du résultat final, il faut admettre que, sur un système digne de ce nom, l'écart de dynamique comme la transparence sont impressionnants." précise Haute Fidélité, mais qu'en est-il de la version d'origine de cet album ?

Nous évoquions alors la possibilité d'acheter cet album pour nous faire notre propre opinion.

En effet, la méthode de Haute Fidélité consistant à émettre un avis sur la seule version mise à sa disposition ne permet aucunement de dire si celle-ci représente un "progrès" ou un "mieux" par rapport à la version d'origine et une telle appréciation hors de toute comparaison reste, selon nous, une information incomplète.

Cela pourrait presque être rapproché du sketch de Coluche où l'animateur demande à un candidat : "Pouvez-vous dire mieux ?"

Nous vous proposons maintenant notre vision des choses, et aussi notre audition...

D'abord, quelques remarques préliminaires

Dans la double page ci-dessous extraite du livret de l'album de l'UtraHD CD de Lim, l'éditeur reprend in extenso le texte de l'album d'origine de Telarc qui indique les conditions dans lesquelles a été enregistré et réalisé ce dernier.

Que peut-on y lire ?

During the recording of the digital masters and the subsequent transfer to disc, the signal was not passed trough any processing device (i.e. compressing, limiting, or equalization) at any step during production.

Sampling frequency conversion of Telarc's Soundstream digital master to the Compact Disc format was accomplished with the Studer SFC-16 sampling frequency converter. The digital information was not subjet to anyintersteps, thus preserving the integrity of the original master.

Soit, en français :

La conversion de fréquence d'échantillonnage du master numérique Telarc Soundstream au format Compact Disc a été réalisée avec le convertisseur de fréquence d'échantillonnage Studer SFC-16. L'information numérique n'a été sujette à la moindre étape intermédiaire, afin de préserver l'intégrité du signal original.

Pendant l'enregistrement des masters numériques et le transfert ultérieur sur le disque, le signal n'a traversé aucun appareil de traitement (c'est-à-dire compression, limitation [de niveau] ou égalisation) à aucune étape de la production.

On constate donc que Telarc n'est pas intervenu sur le signal de quelque manière que ce soit depuis la prise de son jusqu'à la conversion au format CD, et ce, comme le dit lui-même le label, "afin de préserver l'intégrité du signal original."

Il découle de cette simple phrase que les opérations réalisées par Lim pour la production de sa version UlraHD CD ne préservent pas l'intégrité originale du signal, et c'est bien plus ou moins la question que nous nous posions à l'issue du compte rendu d'écoute que nous avions lu dans la revue Haute Fidélité. Voilà une façon sans doute involontaire pour Lim de se tirer une balle dans le pied...

Le matériel utilisé pour notre écoute (avec une - grosse - parenthèse technique)

L'écoute comparative a été réalisée au domicile de l'auteur, à la campagne, dans un lieu très calme !

La source utilisée est un lecteur de CD/SACD multicanal Sony SCD-XB790 "modifié" auquel a été ajouté un filtre pseudo-passif six canaux de type FDNR (Frequency Depending Negative Resistor).

Ce filtre se comporte comme une résistance dont la valeur diminue quand la fréquence augmente. Il utilise des amplificateurs opérationnels montés en "gyrateurs" qui transforment les condensateurs en inductances actives, sans avoir à utiliser des bobines.

Les signaux audio ne traversent pas ces "gyrateurs" (donc on ne ressent pas le "son" des amplificateurs opérationnels) mais ceux-ci sont précédés et suivi d'étages adaptateurs d'impédance (ou buffer) sans contre réaction réalisés avec des doubles transistors à effet de champ (FET Toshiba 2SK389 pour les lecteurs qui s'intéressent de près à la technique).

Les signaux audio ne traversent donc que deux transistors et quelques résistances avant de se retrouver sur les prises Cinch de sortie.

Le préamplificateur est un modèle de conception Selectronic ne comportant que quatre transistors à effet de champ. Sa bande passant s'étend de quelques Hertz jusqu'à environ 2 Mhz (c'est vrai que pour l'audio ce n'est pas vraiment nécessaire...) et présente un niveau de bruit inférieur à -120 dB.

Ce préamplificateur est relié via des transformateurs symétriseurs (procurant également un isolement galvanique) à des enceintes actives à trois voies multi amplifiées.

Le pouvoir d'analyse de ce système ainsi que ses capacités dynamiques sont très élevés.

L'écoute comparative : nos impressions

Nous nous sommes donc procuré la version originale de cet album Telarc, la version UltraHD CD, et puisque nous disposions aussi de cet album sous forme de fichiers WAV en téléchargement, nous avons gravé ceux-ci sur CD enregistrable.

A l'écoute de la version originale, la première chose que nous faisons, c'est de pousser le réglage de volume car l'Ouverture 1812 débutant "piano", le réglage utilisé habituellement se révèle donner un niveau sonore trop faible.

La réflexion qui vient à l'esprit (avant même d'avoir pris connaissance des explications de Telarc sur les conditions de réalisation de cet album), c'est que les niveaux faibles n'ont pas été augmentés lors du mastering, et qu'ainsi la marge dynamique sera plus grande afin de ne pas saturer l'enregistrement lorsque claqueront les coups de canons !

Au terme de l'écoute de cette version originale, celle-ci nous a paru effectivement dotée d'un grand naturel en termes d'aération sonore, de respect des timbres et de niveau relatif des groupes d'instruments, et par là même de dynamique, le niveau sonore lors de l'entrée des canons ne manquant pas de surprendre par son puissant et saisissant impact.

Les résultats sonores obtenus à la lecture du CD gravé à partir des fichiers WAV Qobuz nous ont semblé identiques à ceux de la version d'origine Telarc (signalons juste que l'album proposé par Qobuz comporte six titres au lieu de trois pour le CD Telarc).

A l'écoute de la version UltraHD CD, dès les premières secondes, le niveau sonore élevé nous fait revenir au réglage habituel du potentiomètre de volume du préamplificateur. Les faibles niveau ont donc subi une "remontée artificielle", ce qui se confirmera tout au long de l'oeuvre, les canons "claquant" bien fort mais surprenant beaucoup moins du fait d'un écart dynamique moins important que dans la version originale.

Le traitement par conversion de taux d’échantillonnage est également audible, ce n’est pas flagrant mais une oreille exercée qui écoute du classique régulièrement remarquera sans problème que le registre extrême aigu des violons a perdu son « grain » et sonne de manière tout à fait artificielle et pas très agréable (par exemple entre environ 7’00 et 8’00).

Nous avons aussi remarqué que le grave semblait assez « boursoufflé », timbale, grosses caisse et cordes graves semblent en faire beaucoup, les attaques des archets sur ces dernières sont par ailleurs comme gommées, ce qui n’est absolument pas le cas dans la version d’origine (ni dans aucune des versions de 1812 que nous connaissons).

Pour conclure, non seulement la version UltraHD CD ne nous a pas semblé techniquement supérieure à la version CD d’origine (une quantification sur 16 bits à 44,1 kHz, même issue d’un master retravaillé sur 32 bits à 192 kHz, reste une quantification CD), mais de plus elle dénature musicalement la version d’origine qui offre une qualité de restitution d’excellente tenue.

Pas vraiment une arnaque mais presque pour cet UltraHD CD qui n’a rien d’ultra sinon son prix et auquel succomberont plus facilement les amateurs envoutés par le chant des sirènes du marketing que les vrais mélomanes amoureux d’une restitution fidèle, même si notre collègue Symphoman n'est pas très tendre avec cette Ouverture1812 au travers de cet cet article paru le 5 février, une simple coïncidence, parole !

Et pour l'anecdote, lors d'un salon, quel ne fut pas l'étonnement du "tenancier" du stand Qobuz lorsqu'un visiteur lui indiqua qu'il venait d'acheter une dizaine de "super CD en 24 bits" pour la modique somme de 400 euros ! Et quelle ne fut pas la consternation de ce même visiteur apprenant que Qobuz vendait bien moins cher de véritables fichiers en 24 bits et que les super CD achetés par ce visiteur restaient codés en 16 bits...

Juste un problème d'information équivoque légèrement en forme de tromperie...