El Camarón de la Isla fut l’un des plus hallucinants chanteurs de flamenco de son temps. Une fougue, une déflagration, et la vie qui allait avec… Comme lors de ce concert parisien de 1987 aux côtés de l’immense guitariste Tomatito…

Un avant et un après Camarón… Ainsi est faite l’histoire du flamenco. Et pour que cette secousse sismique atteigne les cimes de l’échelle de Richter, la fulgurance fut effectivement fulgurante. Quarante et une années seulement. Entre le 5 décembre 1950 et le 2 juillet 1992. Elle fut chaotique également tant la vie d’El Camarón de la Isla, né José Monje Cruz, fut instable, insaisissable et gorgée de turbulences opiacées et alcoolisées…

Surnommé Camarón (« crevette » en castillan) à cause de ses cheveux blond-châtain, il mélangera flamenco traditionnel et archaïque et innovations personnelles, marquant ainsi profondément le genre avec des albums comme Potro de Rabia y miel ou La Leyenda del Tiempo. Cet alliage fut critiqué par quelques traditionalistes (il sera, par exemple, l’un des premiers utiliser une basse électrique) mais sa maîtrise des tables de la loi flamenca était telle qu’on ne pouvait lui reprocher de nier l’histoire du genre.

Pour habiller sa voix, Camarón se para de deux essentiels habits de lumière : Paco de Lucia d’abord, Tomatito ensuite. Ces deux immenses guitaristes seront d’incontournables écrins à l’organe du cantaor.

Ce concert parisien de 1987 n’est pas totalement représentatif de l’art de Camarón. Le chanteur est malade, le cancer du poumon qui l’anéantira étant déjà en marche… Sa voix n’a pas la substance d’antan. Elle libère toutefois une urgence tripale qui progresse titre après titre. Et envoûte autant que dans les heures majeures du génial chanteur. Majeur comme le mano a mano dans lequel Camarón et Tomatito nous emporte. Pas la peine de maîtriser l’idiome flamenco pour perdre connaissance dans ses effluves live. Le génie du maitre de maison est ici un fil conducteur inévitable (Panuelo A Rayas) ou un aimant irrésistible ( Tirititando De Frio). Des sensations exacerbées sans doute par la présence du public, son public, qui lui vouera et lui voue toujours un culte sans borne. Olé !

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