Le cinéaste Yaron Zilberman évoque ses choix musicaux au cœur de son nouveau film « Le Quatuor » interprété par Christopher Walken, Philip Seymour Hoffman, Catherine Keener et un certain Ludwig van Beethoven…

Lorsque le violoncelliste du quatuor The Fugue apprend qu’il est atteint de la maladie de Parkinson, l’avenir du groupe ne tient plus qu’à un fil. Entre les émotions refoulées, les egos et les passions incontrôlables qui se déchaînent alors, la longue amitié qui unit les quatre virtuoses menace de voler en éclats. À la veille du concert qui célèbrera leur 25e et sans doute ultime anniversaire, seuls leurs liens étroits et le pouvoir de la musique peuvent encore préserver ce qu’ils ont construit… Pour son second long métrage, Yaron Zilberman a réuni un casting assez impressionnant autour de Christopher Walken, Philip Seymour Hoffman, Catherine Keener et Mark Ivanir. Avec Le Quatuor (A Late Quartet), qui sort en salle le 10 juillet, le réalisateur israélo-américain aborde frontalement la création musicale, l’interprétation et la vie qui va avec… Mais la véritable star de ce film, c’est évidemment le Quatuor n°14 op. 131 de Beethoven. Le cinéaste explique ici ses choix musicaux.

Le choix de l’opus 131 de Beethoven s’est-il imposé à vous dès l’écriture du scénario ?

Yaron Zilberman: Oui, quasiment… Mon idée de départ était d’écrire un drame familial, d’évoquer les relations entre les membres d’une famille mais dans le contexte d’un quatuor à cordes. Et puis la dynamique des quatuors à cordes en général me fascine. Je savais que je voulais structurer mon film comme un quatuor. L’opus 131 – en plus d’être en soi un véritable chef d’œuvre – a de fascinant la spécificité de sa forme. Il y a sept et non quatre mouvements et, surtout, ils doivent être interprétés sans aucune pause ou interruption. Et puis ses sept mouvements sont comme des mini-drames. Ils ressemblent assez aux cycles de la vie, débutant même avant la naissance et se concluant évidemment avec la mort… Quant à la raison de cette indication de Beethoven de jouer l’opus 131 « attacca », d’une traite donc, c’est en partie mystérieux. Beethoven voulait-il torturer les musiciens ? Pousser leur virtuosité dans les pires retranchements ? Ou était-ce juste une manière de décrire le fil de la vie en général ? Je pense que ce dernier aspect est sans doute la raison majeure. D’autant plus que l’œuvre date de la fin de sa vie. Bref, tout ça m’a poussé à choisir cet opus pour mon film. Et puis en tant que grand amateur de musique de chambre, c’est tout simplement une œuvre magistrale. Pensez que Wagner aurait déclaré être incapable de composer un quelconque quatuor après avoir entendu l’opus 131. Et que Schubert a demandé qu’on le lui joue juste avant de mourir…

Une version préférée ?

Yaron Zilberman: Il y en a tant ! Mais quand même celle du Quartetto Italiano. J’aime aussi celle du Quatuor Brentano qu’on entend dans le film.

Philip Seymour Hoffman, Catherine Keener et Christopher Walken – © Metropolitan

Comment en êtes-vous arrivé à travailler avec Angelo Badalamenti pour la musique disons additionnelle ?

Yaron Zilberman : Au départ, je me suis demandé si de la musique supplémentaire était vraiment nécessaire. Et j’ai rapidement pensé que cela amplifierai chaque mouvement du film…Evidemment il y avait un gros chalenge pour celui qui composerait d’avoir déjà l’opus 131 de Beethoven invité dans le film. Je n’ai pas choisi Angelo pour ses musiques pour les films de David Lynch qui sont bien entendu ses plus célèbres mais plutôt pour le travail qu’il avait fait avec David Bowie sur A Foggy Day In London Town sur la compilation Red Hot And Rhapsody: The Gershwin Groove. Je voulais des airs assez majestueux, presque bibliques, et tristes à la fois… Lorsque nous nous sommes rencontrés – il a beau avoir plus de 70 ans – je me suis rendu compte qu’il était comme un enfant. Il était très excité et très curieux. Il a proposé d’utiliser un quintet à vents, histoire de marquer une opposition avec le quatuor à cordes. Il voulait vraiment quelque chose d’orchestral pour marquer cette différence avec la musique de Beethoven. Et ces cuivres soulignent parfaitement les caractères des différents personnages, l’idée était vraiment parfaite.

Est-ce difficile de filmer la musique ?

Yaron Zilberman: Oui ça l’est ! Mais je le savais dès le départ. Il y a bien évidemment la façon dont on gère la partition tout au long du film mais la difficulté est également technique. Les comédiens ont du apprendre à jouer certains passage, ils ont répété, répété, répété et encore répété ! Parallèlement, j’ai filmé les Brentano en accumulant toute une bibliothèque de plans différents avec plusieurs caméras pour mêler ces images à celles des comédiens. Pour la première partie, j’ai écrit mon scénario en sept mouvements, comme pour l’opus 131. Et j’ai mêlé les passages de ces mouvements à la chronologie de l’œuvre.

Des films fétiches sur la musique ? On pense notamment à Sonate d’automne de Bergman surtout dans la scène entre Catherine Keener et Imogen Poots qui joue sa fille…

Yaron Zilberman: Je suis un grand fan de Bergman et Sonate d’automne est sans conteste une source d’inspiration… Mais plutôt que des films sur la musique je dirais que la peinture m’a surtout inspiré pour ce film.

Mark Ivanir, Christopher Walken, Catherine Keener et Philip Seymour Hoffman – © Metropolitan

Comment Anne Sofie von Otter s’est-elle retrouvée dans le Quatuor ?

Yaron Zilberman: J’ai eu pas mal de chance car à l’origine je voulais une chanteuse pour interpréter la cantate de Bach Ich habe genug. J’ai pensé à Anne Sofie von Otter que j’adore dans ce répertoire. Je devais également penser à un visage et une allure de femme susceptible d’être l’épouse de Christopher Walken. Mon choix fait, je me suis mis en contact avec elle et, coup de chance, elle se produisait à Carnegie Hall. Elle nous a accordé une journée de travail mais a finalement préféré chanter un air de La Ville morte de Korngold , plus approprié que le thème de Bach trouvait-elle et elle avait raison.

Entre Catherine Keener, Christopher Walken, Philip Seymour Hoffman et Mark Ivanir, qui est le plus grand fan de musique classique?

Yaron Zilberman: Je suis désolé mais ça m’est impossible de répondre, je n’ai pas assez approfondi le sujet avec eux pour le savoir (rire). Je peux tout de même vous raconter que lorsque je me suis rendu chez Christopher Walken, il m’a montré sa discothèque dans laquelle il y avait énormément de musique classique. Avec de nombreuses versions différentes de certaines œuvres. J’avoue avoir été assez bluffé… Je sais que Philip Seymour Hoffman en écoute aussi beaucoup. Il avait donné des lectures de poèmes des Philip Roth à Carnegie Hall avec un quatuor… Le fils de Catherine Keener joue du violoncelle très sérieusement. Quant à Imogen Poots, elle avait aussi étudié le violoncelle lorsqu’elle était plus jeune.

Propos recueillis par Marc Zisman

Le Quatuor - Bande Annonce VOST

Pathé France

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