Considéré comme l'un des plus célèbres guitaristes gitans, Manitas de Plata, très populaire durant les années 60 et 70, s'est éteint à l'âge de 93 ans.

Manitas de Plata est décédé le 5 novembre 2014, à l’hôpital de Montpellier où il se trouvait depuis plusieurs jours. Surnommé ainsi – littéralement « petites mains d’argent », autrement dit « doigts de fée » - Ricardo Baliardo de son vrai nom avait 93 ans. Le génie du flamenco, affaibli depuis quelques années déjà, était depuis l'été dernier au Foyer Carriera, une maison de retraite de Montpellier.

Manitas de Plata vivait à la Grande Motte depuis 2009, suite à la mort de son frère cadet Hyppolite Baliardo. Il joua lors d’une soirée en son hommage aux arènes El Cordobes, à Palavas-les-Flots. Mais en 2013, le guitariste fait un malaise cardiaque, et lance un S.O.S. peu de temps après dans la Dépêche du Midi : « Je suis ruiné et malade, aidez-moi ! ». Cet affaiblissement ne fit que s’aggraver, et Manitas de Plata était apparu en fauteuil roulant au pèlerinage Saintes-Maries-de-la-Mer en mai dernier, accompagné de Bambo Baliardo, dernier membre du groupe Los Baliardos qu’il avait fondé à ses débuts.

Considéré par certains comme le successeur de Django Reinhardt, le grand musicien s'est produit à Carnegie Hall à New York en 1965, qu’il considère comme la plus belle salle de concert dans laquelle il ait joué, ainsi que le Royal Albert Hall de Londres. Celui qui a popularisé le flamenco en France a vendu 93 millions exemplaires de ses 80 albums. « J’ai joué avec le cœur. J’ai toujours vécu au jour le jour. »

Né à Sète dans une caravane en 1921, d’un père marchand de chevaux, Ricardo est analphabète musical mais joue de la guitare dès ses 9 ans, grâce à son oncle. Il se produit chaque année au pèlerinage à Saintes-Maries-de-la-Mer, événement rituel et essentiel pour lui. Son humilité de l’époque ne lui permettra de jouer en public que dix ans après la mort de Django Reinhardt, à qui il ne voulait pas se comparer.

"Galop de Camargue" from Manitas de Plata in French TV Show

Manitas de Plata Picasso de la guitarra

Il se met à jouer l’été, pendant dix ans, entre cafés et terrasses, comme un revenu d’appoint. Il fréquente alors des personnalités du monde des Arts, comme Dali, Picasso et Cocteau. Il s’attache également à Brigitte Bardot, de qui il restera très intime. Le grand Manitas de Plata change peu à peu de personnalité, aime les grosses voitures, devient quelque peu flambeur. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de continuer à partager ses revenus avec sa famille… qui va jusqu’à 80 personnes (femmes, enfants, oncles, neveux, cousins…) ! Au final, il n'a jamais vraiment su exactement combien d’enfants il avait eu (entre 24 et 28) mais en a reconnu au moins 13.

Manitas de Plata with Dali 1967- RARE & Full - MUST SEE

Manitas de Plata Picasso de la guitarra

Un jour, le célèbre photographe Lucien Clergue organise une exposition de ses clichés. Un fan le reconnaît et lui propose alors d’enregistrer. Il réalise son premier album Juerga ! (Fête !) dans la chapelle d’Arles en 1963. L'année suivante, Picasso aurait même dit de lui « Il vaut plus cher que moi ! », et l’écrivain John Steinbeck parlait de lui comme d’un « grand artiste sauvage. » Manitas de Plata se lance alors dans de nombreuses tournées, aux États-Unis, en Allemagne, en Italie, en Nouvelle-Zélande, à Singapour, en Angleterre, en Algérie, etc.

Le disque live Manitas de Plata at Carnegie Hall, où l’on entend le public hystérique à la fin de chaque morceau, le révéla en Europe. Dans les années 60, le guitariste fait la rencontre du secrétaire général de l’ONU, U Thant, et insiste pour créer une permanence internationale du monde gitan. Il devient alors en quelque sorte l’ambassadeur d’une certaine nation gitane, qui rassemble toutes ses populations. En 1967, il sort Manitas de Plata et les siens, disque mythique, où l’on y trouve pour la première fois Galop de Camargue, ainsi que l’émouvant Solo Lagrima chanté avec son fils Manero.

Manitas de Plata With Brigitte Bardot

Manitas de Plata Picasso de la guitarra

A la fête de ses 90 ans, il est entouré de Lucien Clergue, André Bernard et Bernard Biglione, les trois agents ayant suivi la carrière du plus grand musicien gitan. Selon eux, Ricardo Baliardo n’aurait jamais signé aucun contrat, aurait seulement fonctionné à l’oral sans que cela ait posé le moindre problème. Pour ses 91 ans, Manitas de Plata est invité surprise à l’Olympia. L'année suivante, il se retrouve dans un studio avec vue sur la mer à la Grande Motte, où il habite depuis le décès de sa femme. Son autonomie quotidienne diminue et Brigitte Bardot est émue de le savoir malade. Le guitariste a connu beaucoup de femmes (sa deuxième passion), mais celle qu’il garde dans son cœur, après sa femme, reste bien BB, qu’il faisait danser sur scène et avec qui il est toujours resté très proche. « J’ai gagné plusieurs centaines de millions mais j’ai tout foutu en l’air », dit-il. « A force de donner, il ne me reste plus rien ». Manitas de Plata déclarait n’avoir jamais cru en la solidarité de la communauté gitane, lui toujours prêt à jouer pour elle mais attendant peu en retour...