Proche de Stan Getz, le grand guitariste, qui s’était retiré de la scène jazz en 1958 pour élever sa fille, est décédé à l’âge de 90 ans.

Johnny Smith est décédé le 11 juin 2013 à son domicile de Colorado Springs. Le guitariste de jazz était âgé de 90 ans. Né John Henry Smith II, le 25 juin 1922 à Birmingham en Alabama, Johnny Smith débute la guitare dès l’âge de 3 ans, devenant professionnel à seulement 13 ! Il apprend à lire la musique à l’armée et débarque, à la fin des années 40, à New York où il intègre le NBC Symphony Orchestra alors dirigé par Arturo Toscanini au sein duquel il joue également de la trompette. En 1951, il forme un quartet de jazz avec un autre musicien du staff de NBC : un certain Stan Getz…

Lorsque son nom circule au milieu des années 50, beaucoup virent en Johnny Smith un grand nom de la six-cordes. Mais en 1958, le musicien se retire dans le Colorado pour ouvrir un magasin de disques, élever sa fille et quitter ainsi la scène jazz dont il est pourtant l'un des acteurs les plus en vue… Parmi les quelques faits d’arme majeurs de cet esthète au beau son fluide et inspiré, notons sa version en apesanteur de 1952 de Moonlight In Vermont aux côtés notamment de Getz (paru quatre ans plus tard sur l’album du même nom sur Roost Records). C’est un autre titre qu’il écrira en 1954, Walk, Don’t Run, qui décrochera les lauriers, non pas avec sa propre version mais grâce à celle, évidemment un brin plus rock’n’roll, des Ventures en 1959, puis en 1964, toujours avec les Ventures, dans une autre relecture. Des succès synonymes de gros chèques pour Smith et de retraite anticipée pour un guitariste peu attiré par la vie chahutée de musicien de jazz…

En 1957, sa seconde femme meurt en couche en donnant naissance à leur fille Kim qui sera élevée par la mère de Johnny Smith. Installé à Manhattan, le musicien fait un comeback sur la scène jazz. Au sein d’un quartet composé notamment de Stan Getz et Zoot Sims, il se produit régulièrement au Birdland et enchaine aussi les sessions avec Benny Goodman, Hank Jones et quelques autres. Il embraye même avec une douzaine d’albums sous son nom pour Roost ou Verve, faisant de lui un maître respecté et influent de la guitare jazz.

Les marques Guild, Gibson et Heritage fabriqueront des modèles de guitares endorsés par Smith et conçus à partir de ses recommandations. Il avait appris les bases de ce métier en observant le grand luthier John D'Angelico à New York.

C’est lors d’une visite à sa fille chez sa mère à Colorado Springs en 1958 qu’il décide de tout lâcher comme il l’expliquera dans une interview accordée au Colorado Springs Independent en 2001. « Au final, j’en arrivais toujours à la même conclusion : j’aimais trop ma fille pour l’abandonner juste au profit de ma carrière professionnelle. Et puis il y avait d’autres facteurs. J’adorais New York pour la musique, mais détestais y vivre. »

Johnny Smith rachète alors un magasin de disques qu’il baptise Johnny Smith Music et se convertit à la vie de père de famille, pêchant la truite le week-end, donnant quelques cours de musique et surtout appréciant l’anonymat de cette nouvelle vie paisible. Un choix de vie qu’il ne regrettera jamais : « Pas. Une. Minute. », déclarera-t-il avec emphase dans cette même interview de 2001.

Smith enregistrera occasionnellement et se produira même localement, dans des clubs du Colorado, refusant toutes les offres de tournées nationale et internationale. Il fit une exception pour Bing Crosby qu’il accompagna en tournée en Angleterre en 1977, quelques mois avant la mort du crooner.

Johnny Smith - What Are You Doing For The Rest Of Your Life?

Bob Hardy