Lorsque Yannick Nézet-Séguin, alors directeur musical du Philharmonique de Rotterdam, fit ses débuts au Philharmonique de Berlin en 2010, l’orchestre, le public et la critique avaient compris que l’on avait affaire là à un chef certes jeune, certes déjà célèbre, mais surtout un merveilleux musicien – ce qui n’est pas forcément le cas de tous les chefs jeunes et célèbres, loin s’en faut. Pour le concert berlinois retransmis en direct dans la Salle de concerts numérique jeudi 23 juin, il est rejoint par la violoniste géorgienne Lisa Batiashvili avec laquelle il donnera le Premier concerto de Bartók. En seconde partie de programme, Nézet-Séguin a choisi une symphonie particulièrement sombre : la Treizième de Chostakovitch, connue sous le nom de Babi Yar, une série de cinq mouvements qui sont autant de mises en musique de poèmes - et dont le premier traite du massacre de Babi Yar, d’où le nom de la symphonie. Au long des cinq mouvements, Chostakovitch déroule un tapis de terreur musicale, que l’on peut – ce n’est pas une obligation, tout le monde ne parle pas russe – relier aux contenus textuels et humains qui y sont évoqués. La dictature soviétique, en l’année 1963 quand fut créée l’œuvre, n’apprécia guère ni l'ouvrage ni le message humaniste et fit tout son possible pour mettre des bâtons dans les roues du compositeur. Rien n’y fit : la Treizième symphonie reste l’un des sommets de la littérature symphonique du XXe siècle, et l’on peut gager que l’interprétation de Nézet-Séguin sera l’apothéose absolue de cette saison 2015-2016 du Philharmonique de Berlin.
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