Mémoire des enfants et mémoire de la musique : à l'occasion du centenaire de l'Œuvre de Secours aux Enfants, à Gaveau, un concert exceptionnel qui explore l'enfance à travers Debussy, Tchaïkovsky et Greif.

Emmanuelle Bertrand, Marc Minkowski et Benjamin Lévy célèbrent salle Gaveau, le 16 février, les 100 ans de l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants), qui a sauvé des milliers d’enfants juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Le programme du concert de commémoration est à deux facettes. D’un côté, une œuvre évoquant la tragédie de la shoah (Olivier Greif, Concerto pour violoncelle). Par l’histoire de son compositeur d’abord, dont la vie a été marquée par la disparition de ses proches dans les camps de concentration. Par l’implication d’Emmanuelle Bertrand dans ce travail de mémoire, ensuite. On pense à son concert théâtral, le Block 15, qui retraçait le destin de deux musiciens d’Auschwitz, sauvés par leur art. Par le lien particulier, enfin, de Minkowski avec l’OSE, son grand-père, dirigeant de l’association pendant la deuxième guerre mondiale, ayant joué un rôle majeur dans le sauvetage des enfants. De l’autre, deux pièces sur l’enfance : La Boîte à joujou de Debussy et la « Grande Suite » de Casse-Noisette de Tchaïkovski. Un moment de grâce et de légèreté qui vient tempérer la violence du Concerto pour violoncelle.

Commandé par l’association Les Petits frères des pauvres, en 1999, pour une messe d’action de grâces à Notre-Dame de Paris, le Concerto pour violoncelle de Greif se présente comme une interprétation des premières paroles d’un choral de Luther dont il tire son titre : « Durch Dams Fall » (« Par la chute d’Adam toute chose a été corrompue »).

Greif en donne l’explication suivante : « C’est parce que je cite – dans le quatrième mouvement du Concerto – l’harmonisation et les variations qu’a réalisées de ce choral le grand compositeur hollandais au tournant des XVIe et XVIIe siècles, Jan Pieterszoon Sweelinck, que j’ai choisi ce sous-titre à mon concerto. Mais ces mots représentent plus qu’une citation. Ils indiquent que l’œuvre tout entière est pensée comme une méditation sur la Chute de l’homme et sur la lente remontée vers la Lumière ». L’œuvre se présente ainsi comme une lecture biblique, oscillant entre l’espérance (cinquième mouvement) et la terreur. Ce concert s’inscrit dans le sillage des dix ans de la disparition du compositeur (2010), et donne l’occasion d’écouter cette pièce maîtresse de l’élève de Luciano Berio.

C’est un tout autre climat qu’ouvre la féérie de La Boîte à Joujou et de la Grande-Suite de Casse-Noisette, adaptation reprenant les thèmes principaux du ballet - deux pièces qui sonnent comme une célébration de la puissance d’enchantement de l’imagination enfantine. Voici que les jouets prennent vie, animés par la musique. Le casse-noisette de la petite Clara se transforme en son prince charmant, quand le soldat de bois de la boîte à jouets s’éprend de la poupée, bien gardée par le polichinelle...

A l’expressionisme de Tchaïkovski répond la légèreté du conte musical de Debussy. Ecrit pour sa fille en 1913, celui-ci s’inscrit dans la lignée des Children’s Corner, dont il reprend le thème du « petit berger ». André Hellé, qui confectionna les marionnettes, rappelle ainsi la puissance métaphorique du dispositif : « Les boîtes à joujoux sont en effet des sortes de villes dans lesquelles les jouets vivent comme des personnes. Ou bien les villes ne sont peut-être que des boîtes à joujoux dans lesquelles les personnes vivent comme des jouets ». Il proposa à Debussy de mettre en musique un album d’illustrations, projet qui enthousiasma le compositeur, qui déclarait qu’il « aim[ait] presque autant les images que la musique ». Valses gracieuses, marches militaires, et humour des citations musicales en font un merveilleux moment de plaisir.

Le site de la salle Gaveau

Le site de l'OSE